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ne la verra pas davantage saluer follement, dans d’autres catastrophes, les effets du génie des Gracques, ni l’omnipotence oratoire des Girondins. Désaccoutumée de ces misères, elle proclamera que les causes irréconciliables de pareils événements, planant bien haut au-dessus de la participation des hommes, n’intéressent point la polémique des partis. Elle dira quel concours de motifs invincibles les fait naître, sans que personne à leur sujet ait de blâme à recevoir ou d’éloge à demander. Elle distinguera ce que la science ne peut que constater de ce que la justice doit saisir.

De son trône superbe tomberont dès lors des jugements sans appel et des leçons salutaires pour les bonnes consciences. Soit qu’on aime, soit qu’on réprouve telle évolution d’une nationalité, ses arrêts, en réduisant la part que l’homme y peut prendre à déplacer quelques dates, à irriter ou à adoucir d’inévitables blessures, rendront le libre arbitre de chacun sévèrement responsable de la valeur de tous les actes. Pour le méchant plus de ces vaines excuses, de ces nécessités factices dont on prétend aujourd’hui ennoblir des crimes trop réels. Plus de pardon pour les atrocités ; de soi-disant services ne les innocenteront pas. L’histoire arrachera tous les masques fournis par les théories sophistiques ; elle s’armera, pour flétrir les coupables, des anathèmes de la religion. Le rebelle ne sera plus devant son tribunal qu’un ambitieux impatient et nuisible : Timoléon, qu’un assassin ; Robespierre, un immonde scélérat.

Pour donner aux annales de l’humanité ce souffle, ces allures et cette portée inaccoutumée, il est temps de changer la façon dont on les compose, en entrant courageusement dans les mines de vérités que tant d’efforts laborieux viennent d’ouvrir. Des méfiances mal raisonnées n’excuseraient pas l’hésitation.

Les premiers calculateurs qui entrevirent l’algèbre, effrayés des profondeurs dont elle leur révélait les ouvertures, lui prêtèrent des vertus surnaturelles et de la plus rigoureuse des sciences firent l’enveloppe des plus folles imaginations. Cette vision rendit quelque temps les mathématiques suspectes aux esprits sensés  ; puis l’étude sérieuse perça l’écorce et prit le fruit.