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sans nulle réserve, ce point est de toute importance, les mérites d’une moralité dont néanmoins elles règlent les formes, elles manient, elles pétrissent en quelque sorte leurs cerveaux au moment de la naissance, et, leur indiquant certaines voies, leur ferment les autres dont elles ne leur permettent pas même d’apercevoir les issues.

Ainsi donc, avant d’écrire d’histoire d’un pays distinct et de prétendre expliquer les problèmes dont une pareille tache est semée, il est indispensable de sonder, de scruter, de bien connaître les sources et la nature de la société dont ce pays n’est qu’une fraction. Il faut étudier les éléments dont elle se compose, les modifications qu’elle a subies, les causes de ces modifications, l’état ethnique obtenu par la série des mélanges admis dans son sein.

Ou s’établira ainsi sur un sol positif contenant les racines du sujet. On les verra d’elles-mêmes pousser, fructifier et porter graine. Comme les combinaisons ethniques ne sont jamais répandues à doses égales sur tous les points géographiques compris dans le territoire d’une société, il conviendra de particulariser davantage ses recherches et d’en contrôler plus sévèrement les découvertes à mesure que l’on se rapprochera de son objet. Tous les efforts de l’esprit, tous les secours de la mémoire, toute la perspicacité méfiante du jugement sont ici nécessaires. Peines sur peines, rien n’est de trop. Il s’agit de faire entrer l’histoire dans la famille des sciences naturelles, de lui donner, en ne l’appuyant que sur des faits empruntés à tous les ordres de notions capables d’en fournir, toute la précision de cette classe de connaissances, enfin de la soustraire à la juridiction intéressée dont les factions politiques lui imposent jusqu’aujourd’hui l’arbitraire.

Faire quitter à la muse du passé les sentiers douteux et obliques pour conduire son char dans une voie large et droite, explorée à l’avance et jalonnée de stations connues, ce n’est rien enlever à la majesté de son attitude, et c’est beaucoup ajouter à l’autorité de ses conseils. Certes elle ne viendra plus, par des gémissements enfantins, accuser Darius d’avoir causé la perte de l’Asie, ni Persée l’humiliation de la Grèce ; mais on