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L’existence d’une société, étant, en premier ressort, un effet qu’il ne dépend pas de l’homme de produire ni d’empêcher, n’entraîne pour lui aucun résultat dont il soit responsable. Elle ne comporte donc pas de moralité. Une société n’est, en elle-même, ni vertueuse ni vicieuse ; elle n’est ni sage ni folle ; elle est. Ce n’est pas de l’action d’un homme, ce n’est pas de la détermination d’un peuple que se dégage l’événement qui la fonde. Le milieu à travers lequel elle passe pour arriver à l’existence positive doit être riche des éléments ethniques nécessaires, absolument comme certains corps, pour employer encore une comparaison qui se représente sans cesse à l’esprit, absorbent facilement et abondamment l’agent électrique, et sont bons pour le disperser, tandis que d’autres ont peine à s’en laisser pénétrer, et plus de peine encore à le faire rayonner autour d’eux. Ce n’est pas la volonté d’un monarque ou de ses sujets qui modifie l’essence d’une société ; c’est, en vertu des mêmes lois, un mélange ethnique subséquent. Une société enfin enveloppe ses nations comme le ciel enveloppe la terre, et ce ciel, que les exhalaisons des marais ou les jets de flammes du volcan n’atteignent pas, est encore, dans sa sérénité, l’image parfaite des sociétés que leur contenu ne saurait affecter de ses tressaillements, tandis qu’irrésistiblement, bien que d’une façon insensible, elles l’assouplissent à toutes leurs influences.

Elles imposent aux populations leurs modes d’existence. Elles les circonscrivent entre des limites dont ces esclaves aveugles n’éprouvent pas même la velléité de sortir, et n’en auraient pas la puissance. Elles leur dictent les éléments de leurs lois, elles inspirent leurs volontés, elles désignent leurs amours, elles attisent leurs haines, elles conduisent leurs mépris. Toujours soumises à l’action ethnique, elles produisent les gloires locales par ce moyen immédiat ; par la même voie elles implantent le germe des malheurs nationaux, puis, à jour dit, elles entraînent vainqueurs et vaincus sur une même pente, qu’une nouvelle action ethnique peut seule les empêcher elles-mêmes de descendre indéfiniment.

Si elles tiennent avec tant d’énergie les membres des peuples, elles ne régissent pas moins les individus. En leur laissant, et