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Ces forces actives, ces principes vivifiants, ou, si l’on veut les concevoir sous une idée concrète, cette âme, demeurée jusqu’à présent inaperçue et anonyme, doit être mise au rang des agents cosmiques du premier degré. Elle remplit, au sein du monde intangible, des emplois analogues à ceux que l’électricité et le magnétisme exercent sur d’autres points de la création, et, comme ces deux influences, elle se laisse constater par ses fonctions, ou plus exactement, par quelques-unes de ses fonctions, mais non pas saisir, décrire et apprécier, en elle-même, dans sa nature propre et abstraite, dans sa totalité.

Rien ne prouve que ce soit une émanation de l’homme et des corps politiques. Elle vit par eux en apparence, elle vit pour eux certainement. La mesure de vigueur et de santé des civilisations est aussi la mesure de sa vigueur et de sa santé ; mais, si l'on observe que c’est dans le temps même où les civilisations s’éclipsent qu’elle atteint souvent son plus haut degré de dilatation et de force chez certains individus et chez certaines nations, on sera porté à en conclure qu’elle peut être comparée à une atmosphère respirable qui, dans le plan de la création, n’a de raison d’être que tant que la société qu’elle enveloppe et anime doit vivre  ; qu’elle lui est, au fond, étrangère aussi bien qu’extérieure, et que c’est sa raréfaction qui amène la mort de cette société malgré la provision d’air que celle-ci pouvait avoir encore, et dont la source est cependant tarie.

Les manifestations appréciables de cette grande âme partent de la double base que j’ai appelée ailleurs masculine et féminine. On se souvient, d’ailleurs, que je n’ai eu en vue, dans le choix de ces dénominations, qu’une attitude subjective, d’une part, et, de l’autre, une faculté objective, sans corrélation à aucune idée de suprématie d’un de ces foyers sur l’autre. Elle se répand de là, en deux courants de qualités diverses, jusque dans les plus minimes fractions, jusque dans les dernières molécules de l’agglomération sociale que son incessante circulation dirige, et ce sont les deux pôles vers lesquels ils gravitent et dont ils s’éloignent tour à tour.