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CHAPITRE VIII.

Les colonisations européennes en Amérique.

Les relations des indigènes américains avec les nations européennes, à la suite de la découverte de 1495, ont été marquées de caractères très différents, déterminés par la mesure de parenté primitive entre les groupes mis en présence. Parler des rapports de parenté entre les nations du nouveau monde et les navigateurs de l’ancien, semblera d’abord hasardé. En y réfléchissant mieux, on se rendra compte que rien n’est plus réel, et on va en voir les effets.

Les peuples d’outre-mer qui ont le plus agi sur les Indiens sont les Espagnols, les Portugais, les Français et les Anglais.

Dès le début de leur établissement, les sujets des rois catholiques se sont intimement rapprochés des gens du pays. Sans doute ils les ont pillés, battus, et très souvent massacrés. De tels événements sont inséparables de toute conquête, et même de toute domination. Il n’en est pas moins vrai que les Espagnols rendaient hommage à l’organisation politique de leurs vaincus, et la respectaient en ce qui n’était pas contraire à leur suprématie. Ils concédaient le rang de gentilhomme et le titre de don à leurs princes ; ils usaient des formules impériales quand ils s’adressaient à Montézuma ; et même après avoir proclamé sa déchéance et exécuté sa condamnation à mort, ils ne parlaient de lui qu’en se servant du mot de majesté. Ils recevaient ses parents au rang de leur grandesse, et en faisaient autant pour les Incas. D’après ce principe, ils épousèrent sans difficulté des filles de caciques, et, de tolérance en tolérance, en arrivèrent à allier librement une famille d’hidalgos à une famille de mulâtres. On pourrait croire que cette conduite, que nous appellerions libérale, était imposée aux Espagnols par la nécessité de s’attacher des populations trop nombreuses pour ne pas être ménagées ; mais dans telles