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l’ont suivie, puisque ceux-ci n’ont été que des copistes. M. d’Orbigny fait observer avec raison que les sculptures de Tihuanaco révèlent un état intellectuel plus délicat que les ruines des âges postérieurs, et qu’on y découvre même une certaine propension à l’idéalité tout à fait étrangère à ceux-ci (1)[1].

Les Incas, reproduction affaiblie d’une race plus civilisatrice, arrivèrent des montagnes en en couvrant vers l’ouest toutes les pentes, occupant les plateaux et agglomérant sous leur conduite un certain nombre de peuplades. Ce fut au xie siècle de notre ère que cette puissance naquit (2)[2], et, véritable singularité en Amérique, la famille régnante semble avoir été extrêmement préoccupée du soin de conserver la pureté de son sang. Dans le palais de Cuzco, l’empereur n’épousait que ses sœurs légitimes, afin d’être plus assuré de l’intégrité de sa descendance, et il se réservait, ainsi qu’à un petit nombre de parents très proches, l’usage exclusif d’une langue sacrée, qui vraisemblablement était l’aymara (3)[3].

Ces précautions ethniques de la famille souveraine démontrent qu’il y avait beaucoup à redire à la valeur généalogique de la nation conquérante elle-même. Les Incas éloignés du trône ne se faisaient qu’un très mince scrupule de prendre des épouses où il leur plaisait. Toutefois, si leurs enfants avaient pour aïeux maternels les aborigènes du pays, la tolérance ne s’étendait pas jusqu’à admettre dans les emplois les descendants en ligne paternelle de cette race soumise. Ces derniers étaient donc peu attachés au régime sous lequel ils vivaient, et voilà un des motifs pour lesquels Pizarre renversa si aisément toute la couche supérieure de cette société, tout le couronnement des institutions, et pourquoi les Péruviens n’essayèrent jamais d’en retrouver ni d’en faire revivre les restes.

Les Incas ne se sont pas souillés des institutions homicides de l’Anahuac mexicain ; leur régime était au contraire fort doux. Ils avaient tourné leurs principales idées vers l’agriculture, et,

(1) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 325.

(2) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 296. — C’est l’époque où parut Manco-Capac.

(3) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 297.

  1. (1) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 325.
  2. (2) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 296. — C’est l’époque où parut Manco-Capac.
  3. (3) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 297.