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spécial, élevée à la hauteur d’un art, l’éloquence qui devient la rhétorique, c’est tout autre chose. On ne saurait la considérer que comme un résultat direct du fractionnement des idées chez une race, et de l’isolement moral où sont tombés tous les esprits. Ce que l’on a vu chez les Grecs méridionaux, chez les Romains sémitisés, j’allais dire dans les temps modernes, démontre assez que le talent de la parole, cette puissance en définitive grossière, puisque ses œuvres ne peuvent être conservées qu’à la condition rigoureuse de passer dans une forme supérieure à celle où elles ont produit leurs effets ; qui a pour but de séduire, de tromper, d’entraîner, beaucoup plus que de convaincre, ne saurait naître et vivre que chez des peuples égrenés qui n’ont plus de volonté commune, de but défini, et qui se tiennent, tant ils sont incertains de leurs voies, à la disposition du dernier qui leur parle. Donc, puisque les Mexicains honoraient si fort l’éloquence, c’est une preuve que leur aristocratie même n’était pas très compacte, très homogène. Les peuples, sans contredit, ne différaient pas des nobles sous ce rapport.

Quatre grandes lacunes affaiblissaient l’éclat de la civilisation aztèque. Les massacres hiératiques étaient considérés comme l’une des bases de l’organisation sociale, comme un des buts principaux de la vie publique. Cette férocité normale tuait sans choix, comme sans scrupule, les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants ; elle tuait par troupeaux, et y prenait un plaisir ineffable. Il est inutile de signaler combien ces exécutions différaient des sacrifices humains dont le monde germanique nous a présenté l’usage. On comprend que le mépris de la vie et de l’âme était la source dégradante de cet usage, et résultait naturellement du double courant noir et jaune qui avait formé la race.

Les Aztèques n’avaient jamais songé à réduire des animaux en domesticité ; ils ne connaissaient pas l’usage du lait. C’est une singularité qui se retrouve çà et là chez certains groupes de la famille jaune (1)[1].

  1. (1) Voir plus haut.