Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/506

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

philologie ne peut donc, malgré bien des obscurités, bien des doutes, que l’étude résoudra comme elle en a tant résolu, se refuser à admettre que, tout corrompus qu’ils peuvent être par des immixtions étrangères et un long travail intérieur, les dialectes américains ne s’opposent nullement, dans leur état actuel, à une parenté du groupe qui les parle avec la race finnoise.

Quant aux dispositions intellectuelles de ce groupe, elles présentent plusieurs particularités caractéristiques faciles à dégager du chaos des tendances divergentes. Je voudrais, restant dans la vérité stricte, ne dire si trop de bien ni trop de mal des indigènes américains. Certains observateurs les représentent comme des modèles de fierté et d’indépendance, et leur pardonnent à ce titre quelque peu d’anthropophagie (l)[1]. D’autres, au contraire, en faisant sonner bien haut des déclamations contre ce vice, reprochent à la race qui en est atteinte un développement monstrueux de l’égoïsme, d’où résultent les habitudes les plus follement féroces (2)[2].

Avec la meilleure intention de rester impartial, on ne peut cependant pas méconnaître que l’opinion sévère a pour elle l’appui, l’aveu des plus anciens historiens de l’Amérique. Des témoins oculaires, frappés de la méchanceté froide et inexorable de ces sauvages qu’on fait par ailleurs si nobles, et qui sont, en effet, fort orgueilleux, ont voulu les reconnaître pour les descendants de Caïn. Ils les sentaient plus profondément mauvais que les autres hommes, et ils n’avaient pas tort.

L’Américain n’est pas à blâmer, entre les autres familles humaines, parce qu’il mange ses prisonniers, ou les torture et raffine leurs agonies. Tous les peuples en font ou en ont fait à peu près autant, et ne se distinguent de lui et entre eux sous ce rapport que par les motifs qui les mènent à de telles

  1. (1) Cette opinion favorable a surtout pour propagateurs les romanciers américains.
  2. (2) Martins u. Spix, Reise in Brasilien, t. I, p. 379, et t. III p. 1033. — Carus, Ueber ungleiche Befæhigung der verschiedenen Menschheitsstæmme fur næhere geislige Entwickelung, p. 35. — Voir surtout les anciens auteurs espagnols.