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aux autres ; mais le système grammatical reste partout le même. On y remarque ce trait saillant d’une disposition commune à agglutiner les mots, et de plusieurs phrases à ne former qu’un seul vocable, faculté assurément très particulière, très remarquable, mais qui ne suffit pas à conquérir l’unité aux races américaines, d’autant moins que la règle ne va pas sans l’exception. On peut lui opposer l’othonis, très répandu dans la Nouvelle-Espagne, et qui, par sa structure nettement monosyllabique, tranche avec les dispositions fusionnaires des idiomes qui l’entourent[1]. Peut-être rencontrera-t-on ultérieurement d’autres preuves que toutes les syntaxes américaines ne sont pas dérivées d’un même type, ni issues uniformément d’un seul et unique principe[2].

Il n’y a donc plus moyen de classer parmi les divisions principales de l’humanité une prétendue race rouge qui n’existe évidemment qu’à l’état de nuance ethnique, que comme résultat de certaines combinaisons de sang, et qui ne saurait dès lors être prise que pour un sous-genre. Concluons avec M. Flourens et, avant lui, avec M. Garnot, qu’il n’existe pas en Amérique une famille indigène différente de celles qui habitent le reste du globe.

La question ainsi simplifiée n’en reste pas moins fort compliquée encore. S’il est acquis que les peuples du nouveau continent ne constituent pas une espèce à part, mille doutes s’élèvent quant à la façon de les rattacher aux types connus du vieux monde. Je vais tâcher d’éclairer de mon mieux ces ténèbres, et, pour y parvenir, retournant la méthode dont j’ai usé tout à l’heure, je vais considérer si, à côté des différences profondes qui s’opposent à ce qu’on reconnaisse chez les nations américaines une unité particulière, il n’y a pas aussi des similitudes qui signalent dans leur organisation la présence d’un ou de plusieurs éléments ethniques semblables. Je n’ai pas besoin d’ajouter sans doute que, si le fait existe, ce ne peut être que dans des mesures très variées.

  1. Prescott, History of the conquest of Mexico, t. III, p. 245.
  2. Id., ibid., t. III, p. 243.