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plus exclusive du bien-être et du luxe, partant plus de civilisation à la mode nouvelle. Les centres de culture se déplacèrent donc. L’Italie, prise dans son ensemble, fut encore une fois reconnue pour le prototype sur lequel il fallait s’efforcer de se régler. Rome remonta au premier rang. Quant à Cologne, Mayence, Trêves, Strasbourg, Liège, Gand, Paris même, toutes ces villes, naguère si admirées, durent se contenter de l’emploi d’imitateurs plus ou moins heureux. On ne jura plus que par les Latins et les Grecs, ces derniers, bien entendu, compris à la façon latine. Ou redoubla de haine pour tout ce qui sortait de ce cercle ; on ne voulut plus reconnaître ni dans la philosophie, ni dans la poésie, ni dans les arts, ce qui avait forme ou couleur germanique, ce fut une croisade inexorable et violente contre ce qui s’était fait depuis un millier d’années. On pardonna à peine au christianisme.

Mais si l’Italie, par ses exemples, réussit à se maintenir à la tête de cette révolution pendant quelques années, où il ne fut encore question d’agir que dans la sphère intellectuelle, cette suprématie lui échappa aussitôt que la logique inévitable de l’esprit humain voulut de l’abstraction passer à la pratique sociale. Cette Italie si vantée était redevenue trop romaine pour pouvoir servir même la cause romaine ; elle s’affaissa promptement dans une nullité semblable à celle du IVe siècle, et la France, sa plus proche parente, continua, par droit de naissance, la tâche que son aînée ne pouvait pas accomplir. La France poursuivit l’œuvre avec une vivacité de procédés qu’elle pouvait employer seule. Elle dirigea, exécuta en chef l’absorption des hautes positions sociales au sein d’une vaste confusion de tous les éléments ethniques que leur incohérence et leur fractionnement lui livraient sans défense. L’âge de l’égalité était revenu pour la plus grande partie des populations de l’Europe ; le reste n’allait pas cesser désormais de graviter de son mieux vers la même fin, et cela aussi rapidement que la constitution physique des différents groupes voudrait le permettre. C’est l’état auquel on est aujourd’hui parvenu (1)[1].

(1) Amédée Thierry, Histoire de la Gaule sous l’administration ro-


  1. (1) Amédée Thierry, Histoire de la Gaule sous l’administration romaine, t. I, Introd., p. 347 : « Nous-mêmes, Européens du XIXe siècle, quels idiomes parlons-nous pour la plupart ? A quel cachet est marqué notre génie littéraire ? Qui nous a fourni nos théories de l’art ? Quel système de droit est écrit dans nos codes, ou se retrouve au fond de nos coutumes ? Enfin, quelle est notre religion à tous ? La réponse à ces questions nous prouve la vitalité de ces institutions romaines dont nous portons encore l’empreinte après quinze siècles, empreinte qui, au lieu de s’effacer par l’action moderne, ne fait, en quelque sorte, que se reproduire plus nette et plus éclatante, à mesure que nous nous dégageons de la barbarie féodale. »