Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au bout des premiers, la ruine de l’ennemi ; au bout des secondes, celle des citoyens. Pas le moindre espoir de s’entendre jamais, et la certitude de ne rien fonder de grand.

Et à quoi aboutissait de son côté la politique intérieure ? Nous l’avons vu : sur dix ans, six de tyrannie, le reste de débats, de querelles, de proscriptions et de carnages entre l’aristocratie et les riches, entre les riches et le peuple. Quand, dans une ville, tel parti triomphait, tel autre errait au sein des cités voisines, recrutant des ennemis à ses adversaires trop heureux. Toujours un citoyen grec revenait d’exil ou faisait son paquet pour y aller. De sorte que ce gouvernement d’exigences, cette perpétuelle mise sur pied de la force publique, cette monstruosité morale que présentait l’existence d’un système politique dont la gloire était de ne rien respecter des droits de l’individu, aboutissait à quoi ? À laisser l’influence perse grossir sans obstacle, à perpétuer le fractionnement de nationalités qui, résultant de combinaisons inégales dans les éléments ethniques, empêchaient déjà les peuples grecs de marcher du même pas et de progresser dans la même mesure. Grâce à



faire tourner à l’avantage de l’État, tel qu’on le comprenait alors. Le trésor commun, d’abord déposé dans le temple de Délos, fut apporté à Athènes. On employa les contributions annuelles des villes alliées à payer le peuple affamé d’assemblées ; on en construisit des monuments, on en fit des statues, on en paya des tableaux. Tout naturellement on ne laissa passer guère de temps sans déclarer les contributions insuffisantes. Les cités confédérées furent accablées d’impôts, et, pour bien dire, pillées. Afin de les rendre souples, le peuple d’Athènes s’arrogea sur elles le droit de vie et de mort. Il y eut des révoltes ; on massacra ce qu’on put des populations rebelles, et le reste fut jeté en esclavage. Plusieurs nations, dégoûtées de ce genre de vie, s’embarquèrent sur leurs vaisseaux et s’enfuirent ailleurs. Les Athéniens, charmés, peuplèrent à leur gré les terrains vacants. Voilà ce qu’on appelait, dans l’antiquité grecque, le protectorat et l’alliance ; car, il ne faut pas s’y tromper, c’est l’état d’amitié que je viens de dépeindre d’après les doctes pages de M. Bœckh. De mille cités alliées que compte Aristophane dans les Guêpes, il n’en restait plus que trois qui fussent libres à la fin de la guerre du Péloponèse : Chios, Mytilène de Lesbos et Méthymne. Le reste était non pas assimilé à ses maîtres, non pas même sujet, mais asservi dans toute la rigueur du mot. (Die Staatshaushaltung der Athener, t. I, p. 443.)