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devant elle (1)[1]. Dans les plus anciens poèmes du cycle carlovingien, les héros teutoniques sont pour la plupart oubliés ou représentés sous des couleurs odieuses, par exemple, les chevaliers de Mayence, tandis que les paladins de l’ouest, tels que Roland, Olivier, ou même du midi, comme Gérars de Roussillon, occupent les premières places dans l’estime générale. Les traditions du Nord n’apparaissent que de plus en plus défigurées sous un habit romain.

La coutume féodale pratiquée dans cette région s’inspire de plus en plus des notions impériales, et, circonvenant avec mie infatigable activité la résistance de l’esprit contraire, complique à l’excès l’état des personnes, déploie une richesse de restrictions, de distinctions, d’obligations dont on n’avait pas l’idée ni en Allemagne, où la tenure des fiefs était plus libre, ni en Italie, où elle était plus soumise à la prérogative du souverain. Il n’y eut qu’en France où l’on vit le roi, suzerain de tous, pouvoir être en même temps l’arrière-vassal d’un de ses hommes, et, comme tel, soumis théoriquement à l’obligation de le servir contre lui-même, sous peine de forfaiture.

Mais la victoire de la prérogative royale était au fond de tous ces conflits, par la raison que leur action incessante favorisait l’élévation des basses classes de la population, et ruinait l’autorité des classes chevaleresques. Tout ce qui ne possédait pas de droits personnels ou territoriaux était en droit d’en acquérir, et, au rebours, tout ce qui avait à un degré quelconque les uns ou les autres, les voyait insensiblement s’atténuer (2)[2]. Dans cette situation critique pour tout le monde,

(1) Les dernières traces en sont visibles dans les romans de Garin. Voir à ce sujet la savante dissertation de M. Paulin Pâris dans son édition d’une partie du poème, et quelques idées émises par M. Edelestand du Méril au début de la Mort de Garin. — Voir aussi dom Calmet, Histoire de Lorraine ; Wusseburg, Antiquités de la Gaule Belgique, liv. III, p. 157.

(2) Guérard, le Polyptique d’Irminon, t. I, p. 251 : « A partir de la fin du IXe siècle, le colon et le lide deviennent de plus en plus rares dans les documents qui concernent la France, et ces deux classes de personnes ne tardèrent pas à disparaître. Elles sont, en


  1. (1) Les dernières traces en sont visibles dans les romans de Garin. Voir à ce sujet la savante dissertation de M. Paulin Pâris dans son édition d’une partie du poème, et quelques idées émises par M. Edelestand du Méril au début de la Mort de Garin. — Voir aussi dom Calmet, Histoire de Lorraine ; Wusseburg, Antiquités de la Gaule Belgique, liv. III, p. 157.
  2. (2) Guérard, le Polyptique d’Irminon, t. I, p. 251 : « A partir de la fin du IXe siècle, le colon et le lide deviennent de plus en plus rares dans les documents qui concernent la France, et ces deux classes de personnes ne tardèrent pas à disparaître. Elles sont, en partie, remplacées par celle des colliberti, qui n’a pas une longue existence. Le serf, à son tour, se montre moins fréquemment, et c’est le villanus, le rusticus, l’homo potestatis qui lui succèdent. » On voit par là quelle rapidité de modifications, toutes favorables à la romanité, s’opérait dans cette société en fusion. (Voir aussi, même ouvr., t. I, p. 392.)