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inattendue à l’extrémité de la Péninsule et à la Sicile. Malheureusement ce courant, toujours assez minime, se tarit bientôt, de sorte que son influence va se mourant, et les empereurs de la maison de Hohenstauffen en épuisent les derniers filons.

Lorsque le sang germanique eut presque achevé, au XVe siècle, de se subdiviser dans les masses de la haute Italie, la contrée entra dans une phase analogue à celle que traversa la Grèce méridionale après les guerres persiques. Elle échangea sa vitalité politique contre un grand développement d’aptitudes artistiques et littéraires. Sous ce point de vue, elle atteignit à des hauteurs que l’Italie romaine, toujours courbée sur la copie des modèles athéniens, n’avait point atteintes. L’originalité manquant à cette devancière lui fut acquise dans une noble mesure  ; mais ce triomphe fut aussi peu durable qu’il l’avait été chez les contemporains de Platon : à peine, comme pour ceux-ci, brilla-t-il une centaine d’années, et, lorsqu’il fut éteint, l’agonie de toutes les facultés recommença. Le XVIIe et le XVIIIe siècle n’ont rien ajouté à la gloire de l’Italie, et certes lui ont beaucoup ôté.

Sur les bords du Rhin et dans les provinces belgiques, les éléments romains étaient primés numériquement par les éléments germaniques. En outre, ils étaient nativement plus affectés par l’essence utilitaire des détritus celtiques que ne le pouvaient être les masses indigènes de l’Italie. La civilisation locale suivit la direction conforme aux causes qui la produisaient. Dans l’application qui y fut faite du droit féodal, le système impérial des bénéfices se montra peu puissant ; les liens par lesquels il rattachait le possesseur de fief à la couronne furent toujours très relâchés, tandis qu’au contraire les doctrines indépendantes de la législation primitivement germanique se maintinrent assez pour conserver longtemps aux propriétaires de châteaux une individualité libre qu’ils n’avaient plus ailleurs. La chevalerie du Hainaut ; celle du Palatinat méritèrent, jusque dans le XVIe siècle, d’être citées comme les plus riches, les plus indépendantes et les plus fières de l’Europe. L’empereur, leur suzerain immédiat, avait peu de prise sur elles, et les princes de second ordre, beaucoup plus