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fixer la vraie mesure des choses, que comme les représentants d’une agglomération d’hommes qui a subi précisément l’action des mêmes lois et qui a parcouru les mêmes phases auxquelles nous avons vu assujetties les autres grandes sociétés aujourd’hui mortes ou mourantes.

D’après tous les principes exposés et observés dans ce livre, la civilisation nouvelle doit se développer d’abord, dans ses premières formes, sur les points où la fusion de la barbarie et de la romanité possédera, du côté de la première, les éléments les plus chargés de principes hellénistiques, puisque ces derniers renferment l’essence de la civilisation impériale. En effet, trois contrées dominent moralement toutes les autres depuis le IXe siècle jusqu’au XIIIe : la haute Italie, les contrées moyennes du Rhin, la France septentrionale.

Dans la haute Italie, le sang lombard se trouve avoir gardé une énergie réveillée à différentes fois par des immigrations de Franks. Cette condition remplie, la contrée possède la vigueur nécessaire pour bien servir les destinées ultérieures. D’autre part, la population indigène est chargée d’éléments hellénistiques autant qu’on peut le désirer, et, comme elle est fort nombreuse comparativement à la colonisation barbare, la fusion va promptement l’amener à la prépondérance. Le système communal romain se maintient, se développe avec rapidité. Les villes, Milan, Venise, Florence à leur tête, prennent une importance que, de longtemps encore, les cités n’auront pas ailleurs. Leurs constitutions affectent quelque chose des exigences de l’absolutisme propre aux républiques de l’antiquité. L’autorité militaire s’affaiblit ; la royauté germanique n’est qu’un voile transparent et fragile jeté sur le tout. Dès le XIe siècle, la noblesse féodale est presque totalement anéantie, elle ne subsiste guère qu’à l’état de tyrannie locale et romanisée, la bourgeoisie lui substitue, dans tous les lieux où elle domine, un patriciat à la manière antique ; le droit impérial renaît, les sciences de l’esprit reparaissent ; le commerce est respecté  ; un éclat, une splendeur inconnue rayonne autour de la ligue lombarde. Mais il ne faut pas le méconnaître : le sang teutonique, instinctivement détesté et poursuivi dans