Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les Plantagenets et les Tudors continuèrent cette marche civilisatrice en en propageant les causes d’impulsion. De leur temps, l’importation de l’essence romanisée n’eut pas lieu dans des proportions dangereuses ; elle n’atteignit pas au vif les couches inférieures de la nation ; elle agit principalement sur les supérieures, qui partout sont soumises, et le furent là comme ailleurs, à des agents incessants d’étiolement et de disparition. Il en est de l’infiltration d’une race civilisée, bien que corrompue, au milieu des masses énergiques, mais grossières, comme de l’emploi des poisons à faible dose dans la médecine. Le résultat ne saurait en être que salutaire. De sorte que l’Angleterre se perfectionna lentement, épura ses mœurs, polit quelque peu ses surfaces, se rapprocha de la communauté continentale, et, en même temps, comme elle continuait à ester surtout germanique, elle ne donna jamais à la féodalité la direction servile qui lui fut imprimée chez ses voisins (1)[1] ; elle ne permit pas au pouvoir royal de dépasser certaines limites fixées par les instincts nationaux  ; elle organisa les corporations municipales sur un plan qui ressembla peu aux modèles romains  ; elle ne cessa pas de rendre sa noblesse accessible aux classes inférieures, et surtout elle n’attacha guère les privilèges du rang qu’à la possession de la terre. D’un autre côté, elle revint bientôt à se montrer peu sensible aux connaissances intellectuelles  ; elle trahit toujours un dédain marqué pour ce qui n’est pas d’usage en quelque sorte matériel, et s’occupa très peu, au grand scandale des Italiens, de la culture des arts d’agrément (2)[2].

(1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. VI : « Allen, with profound erudition, has shown how much of our monarchical theory is derived, not from the ancient Germans but from the government of the Empire. » — Celle théorie monarchique ne se développa jamais fortement, et resta toujours exotique et traitée comme telle par l’instinct national, tandis que sur le continent elle acquit à la fin le plein indigénat, et étouffa ce qui lui faisait résistance. En somme, les droits des rois anglais ont toujours vacillé entre les différentes nations des Romains, des Bretons et des nations germaniques, mais avec prépondérance de ces derniers. (Palsgrave, t. I, p. 627.)

(2) Sharon Turner, History of the Anglo-Saxons, t. III, p. 389 : « The


  1. (1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. VI : « Allen, with profound erudition, has shown how much of our monarchical theory is derived, not from the ancient Germans but from the government of the Empire. » — Celle théorie monarchique ne se développa jamais fortement, et resta toujours exotique et traitée comme telle par l’instinct national, tandis que sur le continent elle acquit à la fin le plein indigénat, et étouffa ce qui lui faisait résistance. En somme, les droits des rois anglais ont toujours vacillé entre les différentes nations des Romains, des Bretons et des nations germaniques, mais avec prépondérance de ces derniers. (Palsgrave, t. I, p. 627.)
  2. (2) Sharon Turner, History of the Anglo-Saxons, t. III, p. 389 : « The anglo-saxon nation... did not attain a général or striking eminence is litterature. But society wants other blessings besides these. The agencies that affected our ancestry took a différent course. They impelled them towards that of political melioration, the great fountain of human improvement. »