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celtiques, très imbus d’essence finnoise, demeurés dans le fond breton, ceux que l’immigration anglo-saxonne avait jetés dans les masses, ceux que les invasions danoises apportaient encore, tendaient à envahir les éléments germaniques, et il ne faut pas oublier que, quelque abondants que fussent ceux-là, ils diminuaient beaucoup de leur énergie en continuant de se combiner avec une essence hétérogène. Du même coup leur fraîcheur s’en allait avec leurs qualités héroïques, absolument comme un fruit qui passe de main en main perd sa fleur et se flétrit tout en conservant sa pulpe. De là le spectacle que présenta l’Angleterre à l’Europe du XIe siècle. A côté de remarquables mérites politiques une honteuse pauvreté dans le domaine de l’intelligence ; des instincts utilitaires extrêmement développés et qui avaient déjà accumulé dans l’île des richesses extraordinaires, mais nulle délicatesse, nulle élégance dans les mœurs ; des ceorls, plus heureux que les manants français, successeurs des boni homini ; mais l’esclavage complet et l’esclavage assez dur, ce qui n’existait presque plus ailleurs (1)[1]. Un clergé que l’ignorance et des moeurs basses et ignoblement sensuelles menaient lentement à l’hérésie ou, pour le moins, au schisme ; des souverains qui, ayant continué à gouverner un grand royaume comme jadis ils avaient fait leur odel et leur truste, avaient conservé, sans la déléguer, l’administration de la justice, et se faisaient payer la concession de leur sceau par une prévarication qui se trouvait être légale (2)[2] ; enfin l’extinction de toutes les grandes races pures, et l’avènement au trône du fils d’un paysan, c’étaient là, au temps de la

(1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, pp. 21,30. — Kemble, Die Sachsen in England, t. I, p. 150 et seqq. — Au temps de la conquête normande, les Anglo-Saxons en étaient encore à la première phase du servage, dépassée en France depuis les derniers Mérowings. — Le traell scandinave s’appelait dans la Grande-Bretagne lazzus et laet, dio et théow, enfln wealh. Les deux premiers noms indiquent la descendance slave des premiers esclaves, probablement amenés de la Germanie ; le dernier indique les Bretons. (T. I, pp. 150, 151, 172 et seqq.)

(2) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 651. — Ce fait doit servir de commentaire, en quelque sorte justificatif, à certaines formes d’exactions de Guillaume le Roux et de Jean sans Terre. Ces souverains ne faisaient qu’appliquer de vieux usages anglo-saxons.


  1. (1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, pp. 21,30. — Kemble, Die Sachsen in England, t. I, p. 150 et seqq. — Au temps de la conquête normande, les Anglo-Saxons en étaient encore à la première phase du servage, dépassée en France depuis les derniers Mérowings. — Le traell scandinave s’appelait dans la Grande-Bretagne lazzus et laet, dio et théow, enfln wealh. Les deux premiers noms indiquent la descendance slave des premiers esclaves, probablement amenés de la Germanie ; le dernier indique les Bretons. (T. I, pp. 150, 151, 172 et seqq.)
  2. (2) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 651. — Ce fait doit servir de commentaire, en quelque sorte justificatif, à certaines formes d’exactions de Guillaume le Roux et de Jean sans Terre. Ces souverains ne faisaient qu’appliquer de vieux usages anglo-saxons.