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fleuves, des fleuves dans les plus petites rivières ; ils pouvaient remonter de la sorte jusqu’au cœur des provinces, ce qui leur aurait été fort difficile avec de grands navires, et c’est ainsi qu’ils achevèrent la conquête dans la mesure qui leur fut utile. Alors recommença la fusion des races, et le conflit des institutions (1)[1].

La population britto-romaine, infiniment plus énergique que les Gallo-Romains à cause de son origine en grande partie germanique, maintint en face de ses vainqueurs une situation beaucoup plus fière et beaucoup meilleure (2)[2]. Une partie resta presque indépendante, sauf le vasselage ; une autre, faisant de ses municipalités des espèces de républiques, se borna à une reconnaissance pure et simple du haut domaine saxon et au payement d’un tribut (3)[3]. Le reste tomba, à la vérité, dans la situation subordonnée du iarl, du ceorl, suivant les dialectes des nouveaux maîtres  ; mais là il fut soutenu et relevé par les lois mêmes de ceux-ci, et l’accession à la propriété foncière, le port des armes, le droit de commandation, ou de choisir son chef, lui restèrent acquis. La population britto-romaine put donc arriver ou prévoir qu’elle arriverait au rang des nobles, des iarls, des ceorls.

Le même sentiment qui portait les rois franks à s’entourer de préférence de leudes gaulois engageait également les princes de l’Heptarchie à recruter leurs bandes domestiques parmi les Britto-Romains. Ceux-ci revêtirent donc de très bonne heure des emplois importants à la cour de ces monarques, fils


(1) Prosper d’Aquitaine fixe à l’an 441 la conquête définitive par les Anglo-Saxons. Cette prise de possession se distingue de celle de la Gaule par les Franks en deux manières : d’abord, les Saxons ne reçurent pas d’investiture impériale et n’avaient pas à en recevoir, puisque la Grande-Bretagne formait un pays tout à fait indépendant ; ensuite, comme conséquence de ce premier fait, leurs chefs n’eurent jamais l’idée de solliciter les titres de patrices et de consuls, puisqu’ils n’avaient pas à jouer le personnage de magistrats romains.

(2) Les Bretons, dans leurs batailles contre les Saxons, usaient de la tactique romaine. (Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p, 404.)

(3) Kemble, Die Sachsen in England, t. II, pp. 231 et seqq. 249, 254.


  1. (1) Prosper d’Aquitaine fixe à l’an 441 la conquête définitive par les Anglo-Saxons. Cette prise de possession se distingue de celle de la Gaule par les Franks en deux manières : d’abord, les Saxons ne reçurent pas d’investiture impériale et n’avaient pas à en recevoir, puisque la Grande-Bretagne formait un pays tout à fait indépendant ; ensuite, comme conséquence de ce premier fait, leurs chefs n’eurent jamais l’idée de solliciter les titres de patrices et de consuls, puisqu’ils n’avaient pas à jouer le personnage de magistrats romains.
  2. (2) Les Bretons, dans leurs batailles contre les Saxons, usaient de la tactique romaine. (Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p, 404.)
  3. (3) Kemble, Die Sachsen in England, t. II, pp. 231 et seqq. 249, 254.