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d’outre-mer, mais dans celui-ci, que tous, d’origine bretonne ou étrangère, suivaient et pratiquaient la coutume romaine, obéissaient aux lois impériales, construisaient en abondance ces monuments, aqueducs, théâtres, arcs de triomphe, que l’on admirait encore au XIVe siècle (1)[1], bref, donnaient à tout le pays plat une apparence très analogue à celle des provinces de la Gaule.

Toutefois une grande différence subsistait. Les habitants de la Grande-Bretagne témoignaient d’une exubérance d’énergie politique tout à fait supérieure à celle de leurs voisins du continent, tout à fait disproportionnée à l’étendue de leur propre territoire, et en contradiction manifeste avec leur situation topographique qui, les rejetant sur le flanc de l’empire, semblait leur interdire l’espérance de pouvoir peser sur ses destinées. Mais ici s’offre encore une preuve manifeste du peu d’action qu’exerce la question géographique sur la puissance d’un pays. Les demi-Germains de la Grande-Bretagne furent les plus grands fabricateurs d’empereurs, reconnus ou refusés, qu’il y eut jamais dans le monde romain. Ce fut chez eux et avec leur concours que s’élaborèrent presque constamment les grandes trames ambitieuses. Ce fut de leur rivage et avec leurs cohortes que partirent presque par bandes les dominateurs de la romanité, et, trouvant encore cette gloire insuffisante, ils osèrent entreprendre la tâche dans laquelle leurs voisins les Gaulois avaient tant de fois échoué : ils prétendirent se donner des dynasties particulières, et ils y réussirent. Depuis Carausius, ils ne tinrent plus que faiblement au grand corps romain (2)[2] ; ils formèrent à part un centre politique orgueilleusement constitué sur le modèle et avec tous les insignes de la mère patrie. Ils se signalaient déjà dans leurs brouillards par cette auréole de

(1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 323. — Tacite, fort sévère pour les Gaulois à cause de la facilité avec laquelle ils s’étaient laissés aller à la corruption romaine, ne l’est pas moins pour les Bretons de la grande île à ce même point de vue. Ils avaient adopté dans leurs villes toute l’organisation municipale de l’empire. (Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 349.)

(2) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 375.


  1. (1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 323. — Tacite, fort sévère pour les Gaulois à cause de la facilité avec laquelle ils s’étaient laissés aller à la corruption romaine, ne l’est pas moins pour les Bretons de la grande île à ce même point de vue. Ils avaient adopté dans leurs villes toute l’organisation municipale de l’empire. (Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 349.)
  2. (2) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 375.