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l’invasion du sang étranger. Il s’infiltrait par mille différentes voies dans les veines des citoyens. Les familles les plus nobles, déjà bien métisses, quand elles n’étaient pas purement chananéennes, comme les Géphyres, perdaient de plus en plus leur mérite généalogique. Le plus grand nombre d’ailleurs s’éteignait ; le reste s’appauvrissait et tombait dans le flot dévorant de la population mélangée. Celle-ci allait se multipliant partout, grâce au mouvement créé par le commerce, le plaisir, la paix, la guerre.

L’aristocratie devint infiniment moins forte. Les classes moyennes gagnèrent en influence.

On se demanda un jour pourquoi les nobles représentaient seuls la patrie, et pourquoi les riches n’en pouvaient faire autant (1)[1].

Les nobles, il est vrai, ne possédaient plus guère de noblesse, puisque beaucoup de leurs concitoyens en avaient autant qu’eux (2)[2]. Le sang sémitique prédominait dans les chaumières : il avait gagné aussi les palais.

Il s’ensuivit des convulsions violentes, et les riches bientôt l’emportèrent (3)[3]. Mais à peine étaient-ils maîtres de manœuvrer à



(1) Cette question fut posée un peu partout en Grèce au delà de la Thessalie ; mais les classes moyennes ne remportèrent pas partout la victoire. Dans le nord, à Thespies, à Orchomène, à Thèbes, après des conflits sanglants, la noblesse maintint sa suprématie. À Athènes, au contraire, elle se trahit elle-même. On remarquera que les villes que je nomme étaient beaucoup moins sémitisées que celles de l’extrême sud. (Mac Cullagh, t. I, p. 31.)

(2) Graduellement aussi, ils avaient perdu la prépondérance que donnent la possession du sol et la suprématie de richesse. Cependant la loi leur avait longtemps garanti le premier point, et, dans beaucoup d’États, à Milet, à Corinthe, à Samos, à Chalcis, à Égine, ils avaient, de bonne heure, admis que faire le commerce, ce n’était pas déroger. Ce principe ne fut cependant jamais accepté d’une manière générale (Mac Cullagh, t. I, p. 23.) — Très promptement aussi, les grandes familles helléniques, considérant l’influence et les gros revenus de certaines races plébéiennes, s’étaient alliées à elles et ainsi dégradées. (Ibid., t. I, p. 25.)

(3) Sur quelques points, cette victoire ne s’opéra pas sans transition, et l’on vit certaines villes se faire une constitution où le pouvoir était remis à deux conseils : l’un, la ghérousie (γερουσία), était le collège


  1. (1) Cette question fut posée un peu partout en Grèce au delà de la Thessalie ; mais les classes moyennes ne remportèrent pas partout la victoire. Dans le nord, à Thespies, à Orchomène, à Thèbes, après des conflits sanglants, la noblesse maintint sa suprématie. À Athènes, au contraire, elle se trahit elle-même. On remarquera que les villes que je nomme étaient beaucoup moins sémitisées que celles de l’extrême sud. (Mac Cullagh, t. I, p. 31.)
  2. (2) Graduellement aussi, ils avaient perdu la prépondérance que donnent la possession du sol et la suprématie de richesse. Cependant la loi leur avait longtemps garanti le premier point, et, dans beaucoup d’États, à Milet, à Corinthe, à Samos, à Chalcis, à Égine, ils avaient, de bonne heure, admis que faire le commerce, ce n’était pas déroger. Ce principe ne fut cependant jamais accepté d’une manière générale (Mac Cullagh, t. I, p. 23.) — Très promptement aussi, les grandes familles helléniques, considérant l’influence et les gros revenus de certaines races plébéiennes, s’étaient alliées à elles et ainsi dégradées. (Ibid., t. I, p. 25.)
  3. (3) Sur quelques points, cette victoire ne s’opéra pas sans transition, et l’on vit certaines villes se faire une constitution où le pouvoir était remis à deux conseils : l’un, la ghérousie (γερουσία), était le collège des nobles ; l’autre, le boulé (βουλή), l’assemblée des riches. (Mac Cullagh, t. I, p. 26.) — Ce sont les deux chambres du système parlementaire anglais.