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laquelle l’homme eut la libre disposition de son corps garantie par les lois civiles, l’Église et l’opinion publique. L’ouvrier rustique devint apte à posséder  ; il le fut encore à entrer dans les ordres sacrés. La route des plus hautes dignités et des plus enviées lui fut ouverte. Il put aspirer à l’épiscopat, position supérieure à celle d’un général d’armée, dans la pensée des Germains eux-mêmes. Cette concession transformait d’une manière bien favorable la situation des personnes serviles habitant les domaines particuliers ; mais elle exerça une action plus puissante encore sur les esclaves des domaines royaux. Ces fiscalins, fiscalini, purent devenir et devinrent très souvent des marchands d’une grande opulence, des favoris du prince, des leudes, des comtes commandant à des guerriers d’extraction libre. Je ne parle pas de leurs filles, que les caprices de l’amour élevèrent plus d’une fois sur le trône même.

Les classes les plus infimes se trouvèrent ainsi avoir gagné le rang d’une autre série romaine, les colons, qui s’élevèrent du même coup dans une proportion égale. Au temps de Jules César, ils avaient été agriculteurs libres ; sous l’influence délétère de l’époque sémitisée, leur position était devenue fort triste. Des constitutions de Théodose et de Justinien les avaient indissolublement attachés à la glèbe. On leur avait laissé la faculté d’acquérir des immeubles, mais non pas celle de les vendre. Quand le sol changeait de propriétaire, ils en changeaient avec lui. L’accession aux fonctions publiques leur était rigoureusement fermée. Il leur était même interdit d’agir en justice contre leurs maîtres, tandis que ceux-ci pouvaient à leur gré les châtier corporellement. Par un dernier trait, on leur avait défendu le port et l’usage des armes ; c’était, dans les idées du temps, les déshonorer (1)[1].


dont il poursuit les populations germaniques. Le bien qu’il est obligé de dire de leur administration ne saurait être suspect.

(1) Les âges moyens ne conservèrent pas même entièrement cette réserve : d’abord ils reconnurent les serfs eux-mêmes aptes à remplir certaines fonctions publiques ; ils eurent des servi vicarii et des servi judices. On leur accordait en cette qualité le droit de porter la lance et de chausser un éperon. Chez les Visigoths et chez les Lombards, on les armait même de toutes pièces, et on les appelait à concourir à


  1. (1) Les âges moyens ne conservèrent pas même entièrement cette réserve : d’abord ils reconnurent les serfs eux-mêmes aptes à remplir certaines fonctions publiques ; ils eurent des servi vicarii et des servi judices. On leur accordait en cette qualité le droit de porter la lance et de chausser un éperon. Chez les Visigoths et chez les Lombards, on les armait même de toutes pièces, et on les appelait à concourir à la sûretè publique. (Guérard, ouvr. cité, t. I, p. 335.) — Comparer cet état de choses à l’organisation romaine.