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qu’ils fussent maudits : il fallait donc que cela fût. Leurs règnes étaient un enchaînement de conspirations et de supplices. Rarement ils se maintenaient jusqu’à leur mort, plus rarement encore leurs enfants héritaient de leur sceptre (1)[1]. Cette terrible expérience n’empêchait pas que la nature même des choses ne suscitât sans cesse des successeurs aux tyrans dépossédés. C’est ainsi que ce que je disais tout à l’heure se vérifiait : le gouvernement était la règle, la tyrannie l’exception, et l’exception apparaissait beaucoup plus fréquemment que la règle.

Tandis que les pays grecs avaient ainsi tant de peine à conserver ou à reconquérir leur état légal, le courant sémitique y augmentait toujours. Il se continuait, s’accélérait et devait amener ainsi, dans la constitution de l’État, des modifications analogues à celles que nous avons observées dans les villes phéniciennes. De proche en proche, tous les pays helléniques du sud furent gagnés par sa prédominance. Cependant les points atteints les premiers, ce furent les établissements de la côte ionienne et l’Attique (2)[2].

Sans doute, les grandes immigrations, les colonisations compactes, avaient cessé depuis longtemps ; mais ce qui avait acquis à leur place une extension énorme, c’était l’établissement individuel de gens de toutes classes et de tous états. L’exclusivisme jaloux de la cité, né de l’instinct confus des prééminences ethniques, avait essayé en vain de rejeter tout nouveau venu en dehors des droits politiques : rien n’avait pu arrêter



(1) On ne cite pas un seul cas de tyrannie transmise à la troisième génération. Les Cypsélides la gardèrent soixante-treize ans ; les Orthagorides, quatre-vingt-dix-neuf. C’est ce qu’on a de plus long. (Mac Cullagh, t. I, p. 40.)

(2) « With the industrial growth of the commonwealth, the resident aliens, or, as they were termed, metoeci, grew in number and consideration. They were more numerous at Athens than in any other state. » (Mac Cullagh, t. I, p. 253.) — Une preuve bien frappante de l’omnipotence de la civilisation asiatique, dans la Grèce méridionale, se trouve en ceci, que le système monétaire et des poids et mesures introduit en 947 par Phéidon, roi d’Argos, et qui s’appelait éginétique pour avoir été pratiqué depuis longtemps à Égine, était tout à fait identique à celui que connaissaient les Assyriens, les Hébreux, etc. Bœckh l’a solidement établi. (Grote, History of Greece, t. II, p. 429.)

  1. (1) On ne cite pas un seul cas de tyrannie transmise à la troisième génération. Les Cypsélides la gardèrent soixante-treize ans ; les Orthagorides, quatre-vingt-dix-neuf. C’est ce qu’on a de plus long. (Mac Cullagh, t. I, p. 40.)
  2. (2) « With the industrial growth of the commonwealth, the resident aliens, or, as they were termed, metoeci, grew in number and consideration. They were more numerous at Athens than in any other state. » (Mac Cullagh, t. I, p. 253.) — Une preuve bien frappante de l’omnipotence de la civilisation asiatique, dans la Grèce méridionale, se trouve en ceci, que le système monétaire et des poids et mesures introduit en 947 par Phéidon, roi d’Argos, et qui s’appelait éginétique pour avoir été pratiqué depuis longtemps à Égine, était tout à fait identique à celui que connaissaient les Assyriens, les Hébreux, etc. Bœckh l’a solidement établi. (Grote, History of Greece, t. II, p. 429.)