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lombarde, franke, visigothique, tout comme des scabins d’origine romaine (1)[1].

Pendant que les princes, les chefs et les hommes libres de la romanité et de la barbarie se rapprochaient, les classes inférieures faisaient de même, et de plus elles montaient. Le régime impérial avait jadis consacré l’existence de plusieurs situations intermédiaires entre l’esclavage complet et la liberté complète. Sous l’administration germanique ces nuances allèrent se multipliant, et l’esclavage absolu perdit tout d’abord beaucoup de terrain. Il était attaqué depuis bien des siècles par l’instinct général. La philosophie lui avait fait une rude guerre dès l’époque païenne  ; l’Eglise lui avait porté des atteintes plus sérieuses encore. Les Germains ne se montrèrent disposés ni à le restaurer, ni même à le défendre  ; ils laissèrent toute liberté aux affranchissements, ils déclarèrent volontiers, avec les évêques, que retenir dans les fers des chrétiens, des membres de Jésus-Christ, était en soi un acte illégitime. Mais ils étaient en situation d’aller bien au delà, et ils le firent. La politique de l’antiquité, qui avait consisté surtout à agir dans l’enceinte des villes, et qui n’avait créé ses institutions principales que pour les populations urbaines, s’était toujours montrée médiocrement soucieuse du sort des travailleurs ruraux. Les Germains ont un point de départ tout autre, et, passionnés pour la vie des champs, considéraient leurs gouvernés d’une façon plus impartiale ; ils n’avaient de préférence théorique pour aucune catégorie d’entre eux, et par cela même étaient plus propres à régler d’une manière équitable les destinées de tous.

L’esclavage fut donc à peu près aboli sous leur administration (2)[2]. Ils le transformèrent en une condition mixte dans

(1) Avec cette différence, que tous les Romains de naissance libre n’étaient pas d’abord aptes à être curiales, tandis que tous les barbares de la même catégorie n’admettaient pas entre eux de différence. Du reste, cette égalité finit par gagner aussi les Romains.

(2) Voir, à ce sujet, Guérard, Polyptique de l’abbé Irminon, in-4o, Paris, 1844, t. I, p. 212 et seqq. — L’auteur de ce livre est doublement à accepter comme arbitre dans cette question, d’abord pour son grand et profond savoir, puis pour la haine consciencieuse et sans exemple


  1. (1) Avec cette différence, que tous les Romains de naissance libre n’étaient pas d’abord aptes à être curiales, tandis que tous les barbares de la même catégorie n’admettaient pas entre eux de différence. Du reste, cette égalité finit par gagner aussi les Romains.
  2. (2) Voir, à ce sujet, Guérard, Polyptique de l’abbé Irminon, in-4o, Paris, 1844, t. I, p. 212 et seqq. — L’auteur de ce livre est doublement à accepter comme arbitre dans cette question, d’abord pour son grand et profond savoir, puis pour la haine consciencieuse et sans exemple dont il poursuit les populations germaniques. Le bien qu’il est obligé de dire de leur administration ne saurait être suspect.