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du fils d’Odin, tandis que plusieurs des dominateurs, dépouillant les ornements et les armes des héros germaniques pour prendre la crosse et le pallium du prêtre romain, s’instituaient les mandataires et, comme on disait, les défenseurs d’une population romaine, et, acceptant avec elle la plus complète fraternité, répudiaient leur loi natale pour accepter la sienne.

En même temps, sur un autre point de l’organisation sociale, une autre innovation s’accomplissait. L’ariman, le bonus homo, qui, aux premiers jours de la conquête, faisait profession de haïr et de mépriser le séjour des villes, se laissait aller peu à peu à quitter les champs pour devenir citadin. Il venait siéger à côté du curiale.

La position de celui-ci, épouvantable sous la verge de fer des prétoires impériaux, s’était améliorée de toutes manières (1)[1]. Les exactions moins régulières, sinon moins fréquentes, étaient devenues plus supportables. Les évêques, chargés du lourd fardeau de la protection des villes, s’étaient attachés à rendre les sénats locaux capables de les seconder. Ils avaient plaidé la cause de ces aristocraties auprès des souverains de sang germanique, et ceux-ci, ne trouvant rien que de naturel à leur

(1) Savigny, ouvr. cité, t. I, p. 250 et seqq. — Voici comment s’exprime à ce sujet M. Augustin Thierry, adversaire si prononcé, d’ailleurs, de la race et de l’action germaniques  ; « La curie, le corps des décurions, cessa d’être responsable de la levée des impôts dus au fisc. L’impôt fut levé par les soins du comte seul et d’après le dernier acte de contributions dressé dans la cité. Il n’y eut plus d’autre garantie de l’exactitude des contribuables que le plus ou moins de savoir-faire, d’activité et de violence du comte et de ses agents. Ainsi les fonctions municipales cessèrent d’être une charge ruineuse, personne ne tint plus à en être exempt, le clergé y entra. La liste des membres de la curie cessa d’être invariablement fixe ; les anciennes conditions de propriété, nécessaires pour y être admis, ne furent plus maintenues ; la simple notabilité suffit. Les corps de marchandise et de métiers, jusque-là distincts de la corporation municipale, y entrèrent du moins par leur sommité, et tendirent de plus en plus à se fondre avec elle... L’intervention de la population entière de la cité dans ses affaires devint plus fréquente ; il y eut de grandes assemblées de clercs et de laïques sous la présidence de l’évêque... » (Considérations sur l’histoire de France, in-12°, Paris, 1846, t. I, p. 198-199.)


  1. (1) Savigny, ouvr. cité, t. I, p. 250 et seqq. — Voici comment s’exprime à ce sujet M. Augustin Thierry, adversaire si prononcé, d’ailleurs, de la race et de l’action germaniques  ; « La curie, le corps des décurions, cessa d’être responsable de la levée des impôts dus au fisc. L’impôt fut levé par les soins du comte seul et d’après le dernier acte de contributions dressé dans la cité. Il n’y eut plus d’autre garantie de l’exactitude des contribuables que le plus ou moins de savoir-faire, d’activité et de violence du comte et de ses agents. Ainsi les fonctions municipales cessèrent d’être une charge ruineuse, personne ne tint plus à en être exempt, le clergé y entra. La liste des membres de la curie cessa d’être invariablement fixe ; les anciennes conditions de propriété, nécessaires pour y être admis, ne furent plus maintenues ; la simple notabilité suffit. Les corps de marchandise et de métiers, jusque-là distincts de la corporation municipale, y entrèrent du moins par leur sommité, et tendirent de plus en plus à se fondre avec elle... L’intervention de la population entière de la cité dans ses affaires devint plus fréquente ; il y eut de grandes assemblées de clercs et de laïques sous la présidence de l’évêque... » (Considérations sur l’histoire de France, in-12°, Paris, 1846, t. I, p. 198-199.)