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des sujets de l’empire. Cette logique et cette façon de procéder n’eussent pas été désavouées dans l’Inde ; mais, en somme, ce n’étaient que des restrictions très imparfaites ; elles n’eurent pas la puissance de neutraliser l’attraction que la romanité et la barbarie exerçaient l’une sur l’autre. Bientôt les concessions de la loi s’agrandirent, les réserves disparurent, et, avant l’extinction des Mérowings, le classement des habitants d’un territoire sous telle ou telle législation avait cessé de se régler sur l’origine (1)[1]. Rappelons que chez les Visigoths, bien plus avancés encore, toute distinction légale entre barbare et Romain avait même cessé d’exister (2)[2].

Ainsi les vaincus se relevaient partout ; et, puisqu’ils pouvaient prétendre aux honneurs germaniques, c’est-à-dire à être admis parmi les leudes du roi, parmi ses affidés, ses confidents, ses lieutenants, il était bien naturel que le Germain, à son tour, pût avoir des motifs d’ambitionner leur alliance. Les Gaulois et les Italiens se trouvèrent ainsi de plain-pied avec leurs dominateurs, et, de plus, ils leur montrèrent encore qu’ils possédaient un joyau digne de rivaliser avec tous les leurs : c’était la dignité épiscopale. Les Germains comprirent à merveille la grandeur de cette situation  ; ils la souhaitèrent ardemment, ils l’obtinrent, et l’on vit ainsi du même coup que des hommes sortis de la masse dominée devinrent les antrustions

(1) Bien que les ecclésiastiques fussent placés d’office sous la juridiction romaine, ils n’étaient pas partout forcés de l’accepter. Chez les Lombards, des prêtres et moines des communautés préférèrent et reçurent la loi barbare. Il y a des exemples de ce fait jusque dans les IXe, Xe et XIe siècles. (Savigny, ouvr. cité, t. I, p. 117.) Les affranchis acquéraient la loi des peuples dont ils étaient issus. Chez les Ripuaires, il leur fallait suivre ou la loi ripuaire ou la loi romaine, au choix de leur patron. (Ibidem., p. 118.) Chez les Lombards, ils restaient sous la loi du patron. (Ibid.) Les enfants naturels choisissaient leur loi à leur gré. (Ibid., p. 114.) Au-dessus de la loi romaine comme de la loi barbare, il y avait dans chaque territoire germanique une règle générale qui s’appliquait indifféremment à tous les habitants du pays, et qui, ayant pour objet les intérêts les plus généraux, dérivait d’un compromis entre les diverses législations. Les Capitulaires sont la codification et le développement de cette règle suprême. (Ibid., p. 113.)

(2) Savigny, ouvr. cité, p. 266.


  1. (1) Bien que les ecclésiastiques fussent placés d’office sous la juridiction romaine, ils n’étaient pas partout forcés de l’accepter. Chez les Lombards, des prêtres et moines des communautés préférèrent et reçurent la loi barbare. Il y a des exemples de ce fait jusque dans les IXe, Xe et XIe siècles. (Savigny, ouvr. cité, t. I, p. 117.) Les affranchis acquéraient la loi des peuples dont ils étaient issus. Chez les Ripuaires, il leur fallait suivre ou la loi ripuaire ou la loi romaine, au choix de leur patron. (Ibidem., p. 118.) Chez les Lombards, ils restaient sous la loi du patron. (Ibid.) Les enfants naturels choisissaient leur loi à leur gré. (Ibid., p. 114.) Au-dessus de la loi romaine comme de la loi barbare, il y avait dans chaque territoire germanique une règle générale qui s’appliquait indifféremment à tous les habitants du pays, et qui, ayant pour objet les intérêts les plus généraux, dérivait d’un compromis entre les diverses législations. Les Capitulaires sont la codification et le développement de cette règle suprême. (Ibid., p. 113.)
  2. (2) Savigny, ouvr. cité, p. 266.