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de soucis, de fatigues, d’exploits obligés, de générosité, c’étaient là les dures conditions du commandement. Étaient-elles bien et dûment remplies, elles valaient des honneurs mesquins, des respects douteux qui ne mettaient pas celui auquel on les rendait à l’abri des admonestations brutalement sincères de ses fidèles.

Du côté de la romanité, quelle différence ! que d’avantages sur la barbarie ! La vénération pour celui qui portait le sceptre, quel qu’il fût, était sans limites ; des lois sévères, pressées comme un rempart autour de sa personne, punissaient du dernier supplice et de l’infamie la plus légère offense à cette rayonnante majesté. Où que tombât le regard du maître, prosternation, obéissance absolue ; jamais de contradictions, des empressements toujours. Il y avait bien une hiérarchie sociale. On distinguait des sénateurs et une plèbe  ; mais c’était là une organisation qui ne produisait pas, comme celle des tribus germaniques, des individualités fortes, en état de rembarrer la volonté du prince. Au contraire, les sénateurs, les curiales, n’existaient que pour être les ressorts passifs de la soumission générale. La crainte de la puissance matérielle des empereurs ne développait, ne maintenait pas seule de pareilles doctrines. Elles étaient naturelles à la romanité, et, prenant leur source dans la nature sémitique, elles se croyaient commandées, imposées, par la conscience publique. Il n’était pas possible à un homme honnête, à un bon citoyen de les répudier, sans manquer aussitôt à la règle, à la loi, à la coutume, à toute la théorie des devoirs politiques, partant sans blesser la conscience.

Les rois germaniques, contemplant ce tableau, le trouvèrent sans doute admirable. Ils comprirent que la plus satisfaisante de leurs attributions était celle de magistrat romain, et que le beau idéal serait de faire disparaître en eux-mêmes et dans leur entourage le caractère germanique pour parvenir à n’être plus que les heureux possesseurs d’une autorité nette et simple, et bien attrayante, puisqu’elle était illimitée. Rien de plus naturel que cette ambition ; mais, pour qu’elle se réalisât, il fallait que les éléments germaniques s’assouplissent.