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Tandis qu’il détruit ainsi par en haut toutes les apparences qui n’ont plus un droit réel et matériel à exister, il n’admet plus qu’avec une répugnance croissante la légitimité de l’esclavage ; il attaque, il ébranle cet état de choses. Il le restreint, enfin il l’abolit. Il multiplie, dans un désordre inextricable, les nuances infinies des positions sociales, en les rapprochant tous les jours davantage d’un niveau commun d’égalité ; bref, abaisser les sommets, exhausser les fonds, voilà son œuvre. Rien n’est plus propre à faire bien saisir les différentes phases de l’amalgame des races que l’étude de l’état des personnes dans le milieu qu’on observe. Ainsi, prenons ce côté de la société germanique du Ve au IXe siècle, et, commençant par les points les plus culminants, considérons les rois.

Dès le IIe siècle avant notre ère, les Germains de naissance libre reconnaissaient entre eux des différences d’extraction. Ils qualifiaient de fils des dieux, de fils des Ases, les hommes issus de leurs plus illustres familles, de celles qui jouissaient seules du privilège de fournir aux tribus ces magistrats peu obéis, mais fort honorés, que les Romains appelaient leurs princes (1)[1]. Les fils des Ases, ainsi que leur nom l’indique, descendaient de la souche ariane, et le fait seul qu’ils étaient mis à part du corps entier des guerriers et des hommes libres prouve qu’on reconnaissait dans le sang de ces derniers l’existence d’un élément qui n’était pas originairement national et qui leur assignait une place au-dessous de la première. Cette considération n’empêchait pas que ces hommes ne fussent forts importants, ne possédassent les odels, n’eussent même le droit de commander et de devenir chefs de guerre. C’est dire qu’il leur était loisible de se poser en conquérants et de se rendre plus véritablement rois que les fils des Ases, si ceux-ci consentaient à rester confinés dans leur grandeur au fond des territoires Scandinaves.

C’était là le principe  ; mais il ne paraît pas que les grandes

(1) Un des signes caractéristiques auxquels on reconnaissait un homme de race divine, c’était l’éclat extraordinaire de ses yeux. La même particularité s’attache, dans l’Inde, aux incarnations célestes. (H. Leo, Vorlesungen, t. I, p. 40.)


  1. (1) Un des signes caractéristiques auxquels on reconnaissait un homme de race divine, c’était l’éclat extraordinaire de ses yeux. La même particularité s’attache, dans l’Inde, aux incarnations célestes. (H. Leo, Vorlesungen, t. I, p. 40.)