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par les empereurs d’origine barbare, et choisirent le second parti  ; ils ne découpèrent point le monde romain en autant de parcelles qu’ils étaient de nations. Ils le laissèrent bien entier, et, au lieu de s’en faire les destructeurs en en réclamant la possession, ils n’en voulurent avoir que l’usufruit.

Pour mettre cette idée à exécution, ils inaugurèrent un système politique d’une apparence extrêmement complexe. On y vit fonctionner tout à la fois et des règles empruntées à l’ancien droit germanique, et des maximes impériales, et des théories mixtes formées de ces deux ordres de conceptions.

Le roi, le konungr, car il ne s’agissait nullement ici ni du drottinn, ni du graff, mais bien du chef de guerre, conducteur d’invasion et hôte des guerriers, revêtit un double caractère. Pour les hommes de sa race, il devint un général perpétuel (1)[1] ; pour les Romains, il fut un magistrat institué sous l’autorité de l’empereur. Vis-à-vis des premiers, ses succès avaient cette conséquence d’enrôler et de conserver plus de combattants autour de ses drapeaux ; vis-à-vis des seconds, d’étendre les limites géographiques de sa juridiction. D’ailleurs, le konungr germanique ne se considérait nullement comme le souverain des contrées tombées en sa puissance. La souveraineté n’appartenait qu’à l’empire ; elle était inaliénable et incommunicable  ; mais comme magistrat romain, agissant au moyen d’une délégation du pouvoir suprême, le konungr disposait des propriétés avec une liberté absolue. Il usait pleinement du droit d’y coloniser ses compagnons, ce qui était simple aux yeux de tout le monde. Il leur distribuait, suivant les coutumes de sa nation, une partie des terres de rapport, et accordait ainsi l’usage romain avec l’usage germanique  ; il organisait de la sorte un système mixte de tenures nouvelles


(1) Le droit de commendatio, qui se maintint si longtemps chez les Anglo-Saxons, la faculté de choisir librement son chef, se perdit de très bonne heure chez les Franks. Les leudes, antrustions ou tidèles, étaient tenus de rester attachés à leur roi, et ne pouvaient, sans encourir des recherches légales, passer au service d’un autre. (Savigny, D. Rœm. Recht im Mitelalt., t. I, p. 186.) Cette modification importante à la liberté germanique avait eu lieu sous l’influence de la loi romaine.


  1. (1) Le droit de commendatio, qui se maintint si longtemps chez les Anglo-Saxons, la faculté de choisir librement son chef, se perdit de très bonne heure chez les Franks. Les leudes, antrustions ou tidèles, étaient tenus de rester attachés à leur roi, et ne pouvaient, sans encourir des recherches légales, passer au service d’un autre. (Savigny, D. Rœm. Recht im Mitelalt., t. I, p. 186.) Cette modification importante à la liberté germanique avait eu lieu sous l’influence de la loi romaine.