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Quirinus, quand Septime Sévère avait élevé la gloire du borgne de Trasymène au-dessus de celle des Scipions, ces préférences n’étaient du moins pas sorties du territoire national. Le coup était plus rude quand on voyait tels des empereurs de rang nouveau, et les armées qui leur avaient donné la pourpre, ne s’occuper pas plus d’Alexandre le Grand que d’Horatius Coclès. On connut des Augustes qui de leur vie n’avaient entendu parler de leur prototype Octave, et ne savaient pas même son nom. Ces hommes-là sans nul doute savaient par cœur les généalogies et les actions des héros de leur race.

Il ne résultait pas moins de ce fait, comme de tant d’autres, qu’au IIIe siècle après Jésus-Christ la nation romaine armée et bien portante et la nation romaine pacifique et agonisante ne s’entendaient nullement ; et, quoique les chefs de cette combinaison, ou plutôt de cette juxtaposition de deux corps si hétérogènes, portassent des noms latins ou grecs et s’habillassent de la toge ou de la chlamyde, ils étaient foncièrement, et très heureusement pour cette triste société, de bons et authentiques Germains. C’était là leur titre et leur droit à dominer.

Le noyau qu’ils formaient dans l’empire avait d’abord été bien faible. Les deux cents cavaliers d’Arioviste que Jules César prit à sa solde en furent le germe. Des développements rapides succédèrent, et on les remarque surtout depuis que les années, celles principalement qui avaient leurs cantonnements en Europe, établirent en principe de n’accepter guère que des recrues germaniques. Dès lors l’élément nouveau acquit une puissance d’autant plus considérable qu’elle se retrempa incessamment dans ses sources. Puis chaque jour de nouvelles causes apparurent et se réunirent pour l’entraîner dans les territoires romains, non plus par quantités relativement minimes, mais par masses.

Avant de passer à l’examen de cette terrible crise, on peut s’arrêter un moment devant une hypothèse dont la réalisation aurait paru bien séduisante aux populations romaines du Ve siècle. La voici : qu’on suppose un instant les nations germaniques qui à cette époque étaient limitrophes de l’empire beaucoup plus faibles, numériquement parlant, qu’elles ne l’ont