Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus menaçantes de l’incrédulité philosophique, leur amour inné d’une religion définie, considérée comme base de tout gouvernement régulier, le leur rendit d’abord odieux  ; et ce qu’ils détestèrent en lui, ce ne fut pas lui, mais un fantôme qu’ils crurent voir. On est donc moins tenté de leur reprocher le mal qu’ils ont fait eux-mêmes que celui, beaucoup plus considérable, qu’ils ont laissé faire aux partisans sémitisés des anciens cultes. Cependant il faudrait craindre aussi de leur trop demander. Pouvaient-ils étouffer les conséquences inévitables d’une civilisation pourrie qu’ils n’avaient pas créée ? Réformer la société romaine sans la renverser, c’eût été beau sans doute. Substituer doucement, insensiblement, la pureté catholique à la dépravation païenne sans rien briser dans l’opération, c’eût été le bien idéal : mais, qu’on y réfléchisse, un tel chef-d’œuvre n’aurait été possible qu’à Dieu.

Il n’appartient qu’à lui de séparer d’un geste la lumière des ténèbres et les eaux du limon. Les Germains étaient des hommes, et des hommes richement doués sans doute, mais sans nulle expérience du milieu où ils étaient appelés ; ils n’eurent pas cette puissance. Leur travail, depuis le milieu du IIIe siècle jusqu’au Ve, se borna à conserver le monde tellement quellement, dans la forme où on le leur avait remis.

En considérant les choses sous ce point de vue, qui est le seul véritable, on n’accuse plus, on admire. De même encore, en reconnaissant sous leurs toges et leurs armures romaines Decius, Aurélien, Claude, Maximien, Dioclétien, et la plupart de leurs successeurs, sinon tous, jusqu’à Augustule, pour des Germains et fils de Germains, on convient que l’histoire est complètement faussée par ces écrivains, tant modernes qu’anciens, dont l’invariable système est de représenter comme un fait monstrueux, comme un cataclysme inattendu, l’arrivée finale des nations tudesques tout entières au sein de la société romanisée.

Rien, au contraire, de mieux annoncé et de plus facile à prévoir, rien de plus légitime, rien de mieux préparé que cette conclusion. Les Germains avaient envahi l’empire du jour où ils étaient devenus ses bras, ses nerfs et sa force. Le premier point qu’ils en avaient pris, ç’avait été le trône, et non