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Quand l’Arian Germain se tenait dans sa grand’salle, assis sur un siège élevé, au haut bout de la table, vêtu de riches habits, les flancs ceints d’une épée précieuse, forgée par les mains habiles et estimées magiques des ouvriers jotuns, slaves ou finnois, et qu’entouré de ses braves, il les conviait à se réjouir avec lui, au bruit des coupes et des cornes à boire, garnies d’argent ou dorées sur les bords, ni des esclaves, ni même des domestiques vulgaires, n’étaient admis à l’honneur de servir cette vaillante assemblée. De telles fonctions semblaient trop nobles et trop relevées pour être abandonnées à des mains si humbles ; et de même qu’Achille s’occupait lui-même du repas de ses hôtes, de même les héros germaniques se faisaient un honneur de conserver cette lointaine tradition de la courtoisie particulière à leur famille. Le glaive au côté, ils allaient quérir, ils plaçaient sur les tables les viandes, la bière, l’hydromel ; ensuite ils s’asseyaient librement, et parlaient sans crainte, suivant que leur pensée les inspirait.

Ils n’étaient pas tous sur le même pied dans la maison. Le maître estimait avant tous les autres son orateur, son porte-glaive, son écuyer, et, lorsqu’il était jeune encore, son père nourricier, celui qui lui avait appris le maniement des armes et l’avait préparé à l’expérience du commerce des hommes. Ces divers personnages, et le dernier surtout, avaient la préséance parmi leurs compagnons. On accordait aussi des égards particuliers au champion d’élite qui avait accompli des exploits hors ligne.

Le festin était commencé. La première faim s’apaisait ; les coupes se vidaient rapidement, la parole et la joie circulaient comme du feu dans toutes ces têtes violentes. Les actions de guerre racontées de toutes parts enflammaient ces imaginations combustibles et multipliaient les bravades. Tout à coup un convive se levait bruyamment ; il annonçait la volonté d’entreprendre telle expédition hasardeuse, et, la main étendue sur la corne qui contenait la bière, il jurait de réussir ou de tomber. Des applaudissements terribles éclataient de toutes parts. Les assistants, exaltés jusqu’à la folie, entre-choquaient leurs armes pour mieux célébrer leur allégresse ; ils entouraient le