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plus belles et meilleures que les leurs. C’est le double et constant privilège d’une civilisation avancée. Réduits à copier les modèles romains pour se prêter aux goûts de leurs maîtres, les ouvriers du pays ne pouvaient espérer un véritable profit de ce labeur qu’en se mettant directement au service des possesseurs d’odels et de féods, ceux-ci ayant une tendance naturelle à réunir dans leur clientèle immédiate et sous leur main tous les hommes qui pouvaient leur être de quelque utilité. C’est ainsi que les villes se dépeuplèrent peu à peu et devinrent d’obscures bourgades.

Tacite, qui ne veut absolument voir dans les héros de son pamphlet que d’estimables sauvages, a faussé tout ce qu’il raconte d’eux en matière de civilisation (1)[1]. Il les représente comme des bandits philosophes. Mais, sans compter qu’il se contredit lui-même assez souvent, et que d’autres témoignage contemporains, d’une valeur au moins égale au sien, permettent de rétablir la vérité des faits, il ne faut que contempler le résultat des fouilles opérées dans les plus anciens tombeaux du Nord pour se convaincre que, malgré les emphatiques déclamations du gendre d’ Agrippa, les Germains, ces héros qu’il célèbre d’ailleurs avec raison, n’étaient ni pauvres, ni ignorants, ni barbares (2)[2].

(1) Entre autres assertions contestables, on remarque celle-ci : « Litterarum secreta viri pariter ac fœminœ ignorant. » (Germ., 18.) — On ne peut expliquer ce passage qu’en l’appliquant seulement à quelques tribus très mélangées et exceptionnellement pauvres. — Tous les mots qui se rapportent à l’écriture sont gothiques, et, si l’allemand moderne a emprunté au latin l’expression schreiben, écrire, c’est que les Allemands ne sont pas d’essence germanique. — On trouve dans Ulfila spilda, planchette pour tracer les caractères runiques ; vrits, une fente, une lettre formée par incision ; méljan, gamêljan, écrire, peindre ; bôka, un livre formé d’écorce de hêtre, etc. (W. C. Grimm, Uber deutsche Runen, p. 47.)

(2) Ils avaient eu leur période de bronze avant d’arriver dans le Nord, et probablement avant de conquérir le Gardarike. (Munch, ouvr. cité, p. 7.) — Toutes les antiquités de cet âge trouvées en Danemark sont celtiques, (Ibidem. — Wormsaae, Lettre à M. Mérimée, Moniteur universel du 14 avril 1853.) — D’ailleurs, si les Germains avaient assez de goût pour apprécier les produits des arts, il est certain qu’ils n’avaient pas eux-mêmes, eux si richement doués sous le rapport de la poésie,


  1. (1) Entre autres assertions contestables, on remarque celle-ci : « Litterarum secreta viri pariter ac fœminœ ignorant. » (Germ., 18.) — On ne peut expliquer ce passage qu’en l’appliquant seulement à quelques tribus très mélangées et exceptionnellement pauvres. — Tous les mots qui se rapportent à l’écriture sont gothiques, et, si l’allemand moderne a emprunté au latin l’expression schreiben, écrire, c’est que les Allemands ne sont pas d’essence germanique. — On trouve dans Ulfila spilda, planchette pour tracer les caractères runiques ; vrits, une fente, une lettre formée par incision ; méljan, gamêljan, écrire, peindre ; bôka, un livre formé d’écorce de hêtre, etc. (W. C. Grimm, Uber deutsche Runen, p. 47.)
  2. (2) Ils avaient eu leur période de bronze avant d’arriver dans le Nord, et probablement avant de conquérir le Gardarike. (Munch, ouvr. cité, p. 7.) — Toutes les antiquités de cet âge trouvées en Danemark sont celtiques, (Ibidem. — Wormsaae, Lettre à M. Mérimée, Moniteur universel du 14 avril 1853.) — D’ailleurs, si les Germains avaient assez de goût pour apprécier les produits des arts, il est certain qu’ils n’avaient pas eux-mêmes, eux si richement doués sous le rapport de la poésie, l’inspiration des œuvres plastiques. M. Wormsaae a dit avec raison : « On remarquera que l’influence des arts de Rome est évidente pour l’observateur attentif qui examine nos antiquités de l’âge de fer. Dès avant les grandes expéditions normanniques, les Scandinaves imitaient des modèles romains, tout en donnant par la fabrication un cachet particulier à leurs armes et à leurs bijoux. » — Il est inutile de répéter ici que les races les mieux douées ne deviennent artistes que par un contact quelconque avec l’essence mélanienne ; les Scandinaves ne l’avaient pas eu.