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En somme, dans toutes les contrées originairement germaniques, comme dans celles qui ne le devinrent que par conquête, les principes des dominateurs furent identiquement les mêmes, et d’une extrême générosité pour les races vaincues.

En dehors de ce qu’on peut appeler les crimes sociaux, les crimes d’État, comme la trahison et la lâcheté devant l’ennemi, la législation germanique nous paraîtrait aujourd’hui indulgente et douce jusqu’à la faiblesse. Elle ne connaissait pas la peine de mort (1)[1], et pour les crimes de meurtre n’appliquait que la composition pécuniaire. C’était assurément une mansuétude bien remarquable, chez des hommes d’une aussi excessive énergie et dont les passions étaient assurément fort ardentes. On les en a loués, on les en a blâmés ; mais on a peut-être examiné la question un peu superficiellement. Pour asseoir avec pleine connaissance de cause une opinion définitive, il faut distinguer ici entre la justice rendue sous l’autorité ou plutôt sous la direction du drottinn, et plus tard, par assimilation, du konuugr, ou roi militaire, et celle qui, s’exerçant dans les odels, émanait, d’une manière bien autrement puissante et tout incontestée, de la volonté absolue et de l’initiative de l’Arian, chef de famille. Cette distinction est non seulement dans la nature des choses, mais nécessaire pour comprendre la théorie génératrice de la composition en argent dans les jugements criminels.

Le possesseur de l’odel, maître suprême de tous les habitants de sa terre et leur juge sans appel, suivait certainement dans ses arrêts les suggestions d’un esprit nativement rigide et porté à la doctrine du talion, cette loi la plus naturelle de toutes, et dont une sagesse très raffinée, appuyée sur l’expérience de cas très complexes, apprend seule à reconnaître l’injustice. Pas de


(1) Même pour le meurtre du roi, chez les Anglo-Saxons, la composition en argent était admise. On s’était contenté de la porter au plus haut degré. (Kemble, t. I, p. 123.) — Cependant les souverains de cette branche germanique s’étaient arrangés de façon à réunir sur leur tête au titre de theedr, ou chef militaire, celui de dryht, ou magistrat civil, ce que ne firent pas les chefs des Goths ni des Franks. (Ibid., t. II, p. 23.)


  1. (1) Même pour le meurtre du roi, chez les Anglo-Saxons, la composition en argent était admise. On s’était contenté de la porter au plus haut degré. (Kemble, t. I, p. 123.) — Cependant les souverains de cette branche germanique s’étaient arrangés de façon à réunir sur leur tête au titre de theedr, ou chef militaire, celui de dryht, ou magistrat civil, ce que ne firent pas les chefs des Goths ni des Franks. (Ibid., t. II, p. 23.)