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tout différent ; et comme elle se réalisa presque seule quand furent venues les grandes migrations sur le continent d’Europe, on y doit chercher le germe véritable des principales institutions politiques de la race germanique. Mais pour pouvoir exposer clairement ce que c’était que cette forme de propriété et les conséquences qu’elle entraînait, il faut faire connaître auparavant les rapports de l’homme arian avec sa nation.

En tant qu’il était chef de famille et possesseur d’un odel, ces rapports se réduisaient à fort peu de chose. D’accord avec les autres guerriers pour conserver la paix publique, il élisait un magistrat, que les Scandinaves nommaient drottinn, et que d’autres peuples sortis de leur sang appelèrent graff (l)[1]. Choisi dans les races les plus anciennes et les plus nobles, dans celles qui pouvaient réclamer une origine divine, ce pendant exact du viçampati hindou exerçait une autorité des plus restreintes, sinon des plus précaires. Son action légale ressemblait fort à celle des chefs chez les Mèdes avant l’époque d’Astyages, ou à celle des rois hellènes dans les temps homériques. Sous l’empire de cette règle facile, chaque Arian, au sein de son odel, n’était guère plus lié à son voisin de même nation que ne le sont entre eux les différents États formant un gouvernement fédératif.

Une telle organisation, admissible en présence de populations numériquement faibles ou complètement subjuguées par la

(1) Palsgrave a eu pleine raison de dire que la royauté n’existait pas, dans les formes et avec la puissance qu’on lui a connues après le Ve siècle, aux époques véritablement germaniques. (The Rise and Progress of the English Commonwealth, in-4o, Lond., 1832, t. I, p. 553.) Il est moins bien inspiré quand il ne voit dans le mot king qu’un emprunt fait aux langues celtiques. C’est, de toute antiquité, un titre porté par les chefs militaires des nations arianes. Nous l’avons vu chez les Ou-douns. (Voir tome Ier). C’est le kava de la première période iranienne. (Westergaard et Lassen, Die Achem. Keilinschriften, p. 122), le ku des inscriptions médiques (ibid., p. 57). Il est assez remarquable qu’on ne le donnât pas aux magistrats réguliers et ordinaires des tribus. — Quant au titre de graff, ou gerefa, chez les Anglo-saxons gravio, il n’est pas bien certain qu’on puisse le rapporter à une racine germanique. Peut-être faut-il en chercher l’origine chez les Celtes ou chez les Slaves.


  1. (1) Palsgrave a eu pleine raison de dire que la royauté n’existait pas, dans les formes et avec la puissance qu’on lui a connues après le Ve siècle, aux époques véritablement germaniques. (The Rise and Progress of the English Commonwealth, in-4o, Lond., 1832, t. I, p. 553.) Il est moins bien inspiré quand il ne voit dans le mot king qu’un emprunt fait aux langues celtiques. C’est, de toute antiquité, un titre porté par les chefs militaires des nations arianes. Nous l’avons vu chez les Ou-douns. (Voir tome Ier). C’est le kava de la première période iranienne. (Westergaard et Lassen, Die Achem. Keilinschriften, p. 122), le ku des inscriptions médiques (ibid., p. 57). Il est assez remarquable qu’on ne le donnât pas aux magistrats réguliers et ordinaires des tribus. — Quant au titre de graff, ou gerefa, chez les Anglo-saxons gravio, il n’est pas bien certain qu’on puisse le rapporter à une racine germanique. Peut-être faut-il en chercher l’origine chez les Celtes ou chez les Slaves.