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leurs créatures, pour faire place à de nouveaux ordonnateurs, à un nouvel arrangement de toutes choses, à de nouvelles générations de mortels. Encore une fois, les antiques sanctuaires de l’Inde connaissaient l’essentiel de toutes ces notions (1)[1].

Des dieux transitoires, si grands qu’ils fussent, n’étaient pas trop distants de l’homme. Aussi l’Arian Germain n’avait-il pas perdu l’habitude de s’élever jusqu’à eux. Sa vénération pour ses ancêtres confondait volontiers ceux-ci avec les puissances supérieures, et sans effort se changeait en adoration. Il aimait à se croire descendu de plus grand que lui, et de même que tant de races helléniques se rattachaient à Jupiter, à Neptune, au dieu de Chryse, de même le Scandinave traçait fièrement sa généalogie jusqu’à Odin, ou jusqu’aux autres individualités célestes que les conséquences naturelles du symbolisme firent monter sans peine autour de la trinité primitive (2)[2],

L’anthropomorphisme était complètement étranger à ces notions natives (3)[3] ; il ne s’y associa que fort tard et sous l’influence irrésistible des mélanges ethniques. Tant que le fils des Roxolans resta pur, il se plaisait à ne voir les dieux que dans le miroir de son imagination, et répugna à se faire d’eux des images tangibles. Il aimait à se les figurer planant à demi cachés au sein des nuages rougis par les lueurs du couchant. Les bruits mystérieux des forêts lui révélaient leur présence (4)[4]. Il croyait aussi trouver et il vénérait une émanation de leur nature dans certains objets précieux pour lui. Les Quades prêtaient serment sur des épées, ce qu’avaient déjà fait les Thraces. Les Longobards honoraient un serpent d’or ; les Saxons, un groupe mystique formé d’un lion, d’un dragon et d’un aigle  ; les Franks avaient aussi des usages semblables (5)[5].

(1) W. Muller, ouvr. cité, p. 175.

(2) Les plus nobles familles, se rappelant le Gardarike, se représentaient leurs aïeux comme ayant vécu dans Asgard, que la tradition avait divinisée. (Munch, ouvr. cité, p. 53.)

(3) W. Muller, ouvr. cité, p. 64 et sqq. — Tac, Germ., 9, 43.

(4) Tac, Ann., XIII, 55 ; Germ., 45. — Ils n’avaient pas et n’admettaient pas de temples, tandis que les populations celtiques de la Gaule et de l’Allemagne en avaient.

(5) W. Muller, ouvr. cité, p. 67, 70 et pass.


  1. (1) W. Muller, ouvr. cité, p. 175.
  2. (2) Les plus nobles familles, se rappelant le Gardarike, se représentaient leurs aïeux comme ayant vécu dans Asgard, que la tradition avait divinisée. (Munch, ouvr. cité, p. 53.)
  3. (3) W. Muller, ouvr. cité, p. 64 et sqq. — Tac, Germ., 9, 43.
  4. (4) Tac, Ann., XIII, 55 ; Germ., 45. — Ils n’avaient pas et n’admettaient pas de temples, tandis que les populations celtiques de la Gaule et de l’Allemagne en avaient.
  5. (5) W. Muller, ouvr. cité, p. 67, 70 et pass.