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cœur, que nous l’avons admiré jadis dans l’Inde (1)[1] et dans la Perse, comme dans l’Hellade homérique. Une des premières considérations auxquelles l’aspect du monde germanique donne lieu, c’est encore celle-ci, que l’homme y est tout et la nation peu de chose. On y aperçoit l’individu avant de voir la masse associée, circonstance fondamentale, qui excitera d’autant plus l’intérêt qu’on prendra plus de soin de la comparer avec le spectacle offert par les agrégations de métis sémitiques, helléniques, romains, kymris et slaves. Là on ne voit presque que les multitudes ; l’homme ne compte pour rien, et il s’efface d’autant plus que, le mélange ethnique auquel il appartient étant plus compliqué, la confusion est devenue plus considérable.

Ainsi placé sur une sorte de piédestal, et se dégageant du fond sur lequel il agit, l’Arian Germain est une créature puissante, qui attire d’abord l’examen sur lui-même avant de permettre de le porter sur le milieu qui l’entoure. Tout ce que cet homme croit, tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, acquiert de la sorte une importance majeure.

En matière de religion et de cosmogonie, voici quels sont ses dogmes : la nature est éternelle, la matière infinie (2)[2]. Cependant le vide béant, gap gunninga, le chaos, a précédé toutes choses (3)[3]. « En ce temps, dit la Vœluspa, il n’y avait ni sable, ni mer, ni les molles vagues. La terre ne se trouvait nulle part, ni le ciel enveloppant. Du sein des ténèbres sortirent douze fleuves, qui en coulant gelèrent. »

Alors l’air doux qui venait du sud, de la contrée du feu, fit fondre la glace ; ses gouttes d’eau prirent vie, et le géant Imir, personnification de la nature animée, apparut. Bientôt il s’endormit, et de sa main gauche ouverte, et de ses pieds fécondés l’un par l’autre, sortit la race des géants (4)[4].

Cependant la glace continuant à dégeler, il en provint la

(1) « L’inclito mio filglio Rama dagli occhi del color del loto. » {Ramayana, t. VII, Ayodhyacanda, cap. m, p. 218.)

(2) W. Muller, Altdeutsche Religion, p. 163.

(3) Vœluspa, 3.

(4) W. Muller, p. 164.


  1. (1) « L’inclito mio filglio Rama dagli occhi del color del loto. » {Ramayana, t. VII, Ayodhyacanda, cap. m, p. 218.)
  2. (2) W. Muller, Altdeutsche Religion, p. 163.
  3. (3) Vœluspa, 3.
  4. (4) W. Muller, p. 164.