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créèrent le germe de la société moderne, il faut se transporter sur la côte Baltique et dans la péninsule scandinave. Voilà cette contrée que les plus anciens chroniqueurs nomment justement, et avec un ardent enthousiasme, la source des peuples, la matrice des nations (1)[1]. Il faut lui associer aussi, dans une si illustre désignation, ces cantons de l’est où, depuis le départ du Gardarike de l’Asaland, la branche ariane des Goths avait fixé ses principales demeures. Au temps où nous les avons quittés, ces peuples étaient fugitifs et contraints à se contenter de misérables territoires. Nous les retrouvons à cette heure tout-puissants, dans d’immenses régions conquises par leurs armes.

Les Romains commencèrent à connaître non pas toutes leurs forces, mais celles des provinces extrêmes de leur empire, dans la guerre des Marcomans, autrement dit, des hommes de la frontière (2)[2]. Ces populations furent, à la vérité, contenues par Trajan  ; mais la victoire coûta fort cher, et ne fut nullement définitive. Elle ne préjugea rien contre les destinées futures de cette grande agglomération germanique, qui, bien que touchant déjà au bas Danube, plongeait encore ses racines dans les terres les plus septentrionales, et partant les plus franches, les plus pures, les plus vivifiantes de la famille (3)[3].

En effet, quand, vers le Ve siècle, les grandes invasions commencent, ce sont des masses gothiques toutes nouvelles qui se présentent, en même temps que sur toute la ligne des limites romaines, depuis la Dacie jusqu’à l’embouchure du Rhin, des peuples, à peine connus naguère, et qui se sont graduellement rendus redoutables, deviennent irrésistibles. Leurs noms, indiqués par Tacite et Pline comme appartenant à des tribus extrêmement reculées vers le nord, n’avaient paru à ces écrivains que très barbares ; ils avaient considéré les peuples qui les portaient comme les moins propres à éveiller leur sollicitude. Ils s’étaient trompés du tout au tout.

(1) Jornandès, c. 4 : « Scandia insula, quasi officina gentium, aut certe velut vagina nationum. »

(2) Munch, p. 31 et 38.

(3) Ibid., p. 40. — Keferstein, Keltische Alterth., t. 1, p. XXXI.


  1. (1) Jornandès, c. 4 : « Scandia insula, quasi officina gentium, aut certe velut vagina nationum. »
  2. (2) Munch, p. 31 et 38.
  3. (3) Ibid., p. 40. — Keferstein, Keltische Alterth., t. 1, p. XXXI.