Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont il s’agit ici, et qui, de même que Brennus, Vercingétorix et tant d’autres, paraît n’avoir reçu de l’histoire que son titre, et non pas son nom propre, Arioviste, c’était l’hôte des héros, celui qui les nourrissait, les payait, c’est-à-dire, d’après toutes les traditions, leur général. Arioviste, c’est Ariogast, ou Ariagast, l’hôte des Arians.

Avec le second siècle de l’ère chrétienne commence cette époque où les émissions scandinaves s’étant déjà multipliées dans la Germanie, l’instinct d’initiative y est devenu patent et éveille toutes les préoccupations des hommes d’État romains. L’âme de Tacite est en proie à de poignantes inquiétudes, et il ne sait qu’espérer de l’avenir. « Qu’elle persiste, s’écrie-t-il, qu’elle dure, j’en adjure tous les dieux, non l’affection que ces peuples nous portent, mais la haine dont ils s’entre-déchirent. Une société telle que la nôtre n’a rien de mieux à attendre de la fortune que les discordes de ses voisins (1)[1]. »

Ces terreurs si naturelles furent cependant trompées par l’événement. Les Germains, limitrophes de l’empire au temps de Trajan, devaient, malgré leurs apparences effrayantes, rendre à la chose romaine les plus éminents services et ne prendre guère de part à sa transformation future, si toutefois ils en ont pris. Ce n’était pas à eux qu’était promise la gloire de régénérer le monde et de constituer la société nouvelle. Tout énergiques qu’ils étaient comparativement aux hommes de la république, ils étaient déjà trop affectés par les mélanges celtiques et slaves pour accomplir une tâche qui exigeait tant de jeunesse et d’originalité dans les instincts. Les noms de la plupart de leurs tribus disparaissent sans éclat avant le Xe siècle. Un bien petit nombre se montre encore dans l’histoire de la grande migration  ; encore sont-ils très loin d’y paraître aux premiers rangs. Ils s’étaient laissé gagner par la corruption romaine.

Pour trouver le foyer véritable des invasions décisives qui

(1) « Maneat, quæso, duretque gentibus, sinon amor nostri, at certe odium sui ; quando urgentibus imperii fatis, niliil jam præstare fortuna majus potest quam hostium discordiam. » ; (Germ., 33).


  1. (1) « Maneat, quæso, duretque gentibus, sinon amor nostri, at certe odium sui ; quando urgentibus imperii fatis, niliil jam præstare fortuna majus potest quam hostium discordiam. » ; (Germ., 33).