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Dès le second siècle avant notre ère, les nations norwégiennes donnaient des marques irrécusables de leur existence aux Kymris, qu’ils avaient pour plus proches voisins. De redoutables bandes d’envahisseurs, s’échappant des forêts, vinrent réveiller les habitants de la Chersonnèse cimbrique. et, franchissant toutes les barrières, traversant dix nations, passèrent le Rhin, entrèrent dans les Gaules, et ne s’arrêtèrent qu’à la hauteur de Reims et de Beauvais (1)[1].

Cette conquête fut rapide, heureuse, féconde. Pourtant elle ne déplaça personne. Les vainqueurs, trop peu nombreux, n’eurent pas besoin d’expulser les anciens propriétaires du sol. Ils se contentèrent de les faire travailler à leur profit, comme toute leur race avait l’habitude de s’y prendre chez les métis blancs soumis. Bientôt même, nouvelle marque du peu d’épaisseur de cette couche d’arrivants, ils se mêlèrent suffisamment avec leurs sujets pour produire ces groupes germanisés si fort célébrés par César, comme représentant la partie la plus vivace des populations gauloises de son temps, et qui avaient conservé l’antique nom kymrique de Belges (2)[2].


adopté et peut-être modifié dans quelques parties par les Germains métis. Les efforts de W. Muller pour retrouver dans les noms de Tuisto, d’ingaevo, d’Irmino et d’Istaevo des surnoms de dieux Scandinaves ne sont pas certainement très heureux. {Altdeutsche Religion, p. 292 et seqq.) — Comme exemple des changements que cette tradition a subis dans le cours des temps, on peut présenter te tableau donné par Nemnius (éd. Gunn, p. 53-34), où, au lieu de Tuisto, dans lequel on ne peut, en tout cas, reconnaître que Teut, transformé en éponyme de la race celtique, le chroniqueur donne Alanus, et quant aux noms des trois héros fils de cet Alanus, il les écrit Hisicion, Armenon et Neugio.

(1) Munch, ouvr. cité, p. 18.

(2) Il se passa alors chez les populations celtiques de l’occident ce qui arrivait depuis des siècles, dans l’orient de l’Europe, à d’autres Celtes et surtout aux Slaves. Des maîtres arians commencèrent par s’imposer à elles, puis acceptèrent leur nom national en se mêlant. C’est là un des motifs qui portèrent si longtemps les Romains à confondre les deux groupes et Strabon à proposer cette singulière étymologie du mot de Germain, venu, disait-il, de ce que les Gaulois les appellent Frères, Germanoï. (VII, 1, 2.) Ils étaient frères, en effet, au moment où le géographe d’Apamée les observait, mais non pas frère d’origine.


  1. (1) Munch, ouvr. cité, p. 18.
  2. (2) Il se passa alors chez les populations celtiques de l’occident ce qui arrivait depuis des siècles, dans l’orient de l’Europe, à d’autres Celtes et surtout aux Slaves. Des maîtres arians commencèrent par s’imposer à elles, puis acceptèrent leur nom national en se mêlant. C’est là un des motifs qui portèrent si longtemps les Romains à confondre les deux groupes et Strabon à proposer cette singulière étymologie du mot de Germain, venu, disait-il, de ce que les Gaulois les appellent Frères, Germanoï. (VII, 1, 2.) Ils étaient frères, en effet, au moment où le géographe d’Apamée les observait, mais non pas frère d’origine. (Voir Wachter, Encycl. Ersch u. Gruber, Galli, p. 47. — Dieffenbach, Celtica II, p. 68.) — De même que les premiers clans germaniques de l’Orient, ceux qui venaient de la Norwège, se mêlèrent aux Celtes, qu’ils trouvèrent sur leur chemin, de même les premières expéditions gothiques contractèrent des alliances qui les modifièrent profondément. Ainsi les Gothini de la Silésie avaient adopté la langue de leurs sujets de race kymrique. Tacite le dit expressément. (Germ., 43.) J’insiste d’autant plus fortement sur les faits de ce genre, qu’ils forment la partie essentielle de l’histoire, qu’ils expliquent une multitude d’enigmes, jusqu’ici insolubles, et que jamais on ne les a pris en considération.