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Les traditions concernant Asgard sont nombreuses et même minutieuses. Elles nous montrent les pères des dieux, les dieux eux-mêmes, exerçant avec grandeur dans cette royale cité la plénitude de leur puissance souveraine, rendant la justice, décidant la paix ou la guerre, traitant avec une hospitalité splendide et leurs guerriers et leurs hôtes. Parmi ceux-ci nous apercevons quelques princes wanes[1] et iotuns, voire des chefs finnois. Les nécessités du voisinage, les hasards de la guerre forçaient les Roxolans de s’appuyer tantôt sur les uns, tantôt sur les autres, pour se maintenir contre tous. Des alliances ethniques furent alors contractées et étaient inévitables[2]. Toutefois le nombre, et par conséquent l’importance, en resta minime, l’Edda le démontre, parce que l’état de guerre moins constant que jadis, lorsque les Roxolans résidaient aux environs du Caucase, n’en fut pas moins très ordinaire, et surtout parce que le Gardarike, bien qu’ayant jeté beaucoup d’éclat sur l’histoire primitive des Arians Scandinaves, dura trop peu de temps pour que la race qui le possédait ait eu le temps de s’y corrompre. Fondé du VIIe au VIIIe siècle avant l’ère chrétienne, il fut renversé vers le IVe[3], malgré le courage et l’énergie de ses fondateurs, et ceux-ci, forcés encore une fois de céder à la fortune qui les conduisait à travers tant de catastrophes à l’empire de l’univers, remirent leurs familles et leurs biens dans leurs chariots, remontèrent sur leurs coursiers, et, abandonnant Asgard, s’enfoncèrent, à travers les marais désolés des régions septentrionales, au-devant de cette série d’aventures qui leur était réservée, et dont rien assurément ne pouvait leur faire présager les étonnantes péripéties et le succès final.

  1. l’Edda place les Ases, les Roxolans, sur la rive orientale du Don, tandis que les nations wendes indépendantes occupent la rive occidentale. (Schaffarik, t. I, p. 134, 307, 358.)
  2. Suivre la trace et l’indication de ces mélanges dans l’Edda, principalement dans la Vœluspa. La forme mythique du récit n’empêche en aucune façon d’apercevoir le noyau historique.
  3. Munch attribue la ruine du Gardarike à la pression des nations de Sakas qui avaient remplacé les Sarmates dans les régions du Caucase, et qui étaient elles-mêmes dépossédées par les Achéménides. (P. 61.)