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que celui d’être dominé. Les dieux avaient-ils donné à ce serviteur un talent quelconque, de la beauté ou de l’esprit, il devenait le conseiller, tenait tête à chacun, et jouait le rôle du bossu phrygien chez Xanthus.

Ainsi l’Arian Grec, souverain chez lui, homme libre sur la place publique, vrai seigneur féodal, dominait sans réserve son entourage, enfants, serfs et bourgeois.

Tant que régna l’influence du Nord, les choses restèrent à peu près partout dans cette situation ; mais lorsque les immigrations asiatiques, les révolutions de toute espèce arrivées à l’intérieur eurent troublé les rapports originaires, et que l’instinct sémitique commença à se faire plus fortement sentir, la scène changea tout à fait.

Pour premier point, la religion se compliqua. Depuis longtemps les simples notions arianes avaient été abandonnées. Sans doute elles étaient altérées déjà à l’époque où les Titans commencèrent à pénétrer dans la Grèce. Mais les croyances qui leur avaient succédé, assez spiritualistes encore, perdirent pied de plus en plus. Kronos, usurpateur, suivant la formule théologique, du sceptre d’Ouranos, fut à son tout détrôné par Jupiter. Des sanctuaires s’ouvrirent à l’infini, des pontificats inconnus jadis trouvèrent des croyants, et les rites les plus extravagants s’emparèrent de la faveur générale. On appelle, dans les écoles, cette fièvre d’idolâtrie l’aurore de la civilisation.

Je n’y contredis pas : il est certain que le génie asiatique était aussi mûr et même pourri que le génie arian-grec était inexpérimenté et ignorant de ses voies futures. Ce dernier, encore étourdi de la longue traite que venaient de faire ses auteurs mâles à travers tant de pays et de hasards, n’avait pas encore trouvé le loisir de se raffiner. Je ne doute cependant pas que, s’il avait eu assez de temps pour se reconnaître avant de tomber sous l’influence assyrienne, il n’eût agi mieux, et de façon à devancer la civilisation européenne. Il aurait pu faire entrer une plus grande part de son originalité dans les destinées des peuples helléniques. Peut-être aurait-il donné moins de hauteur à leurs triomphes artistiques ; mais leur vie politique,