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dre que dans l’est, il y avait là des probabilités de conquêtes plus grandes que partout ailleurs. Les Roxolans le comprirent ; le succès leur donna raison. Au milieu des populations diverses que leurs traditions conservées nous font encore connaître sous leurs noms significatifs de Wanes, de Iotuns et d’Alfars, ou fées, ou nains, ils réussirent à établir un état stable et régulier dont la mémoire, dont les dernières splendeurs projettent encore, à travers l’obscurité des temps, un éclat vif et glorieux sur l’aurore des nations scandinaves.

C’est le pays que l’Edda nomma le Gardarike, ou l’empire de la ville des Arians[1]. Les Sarmates Roxolans y purent dételer leurs bœufs voyageurs, y remiser leurs chariots. Ils connurent enfin des loisirs qu’ils n’avaient plus eus depuis bien des séries de siècles, et en profitèrent pour s’établir dans des demeures permanentes. Asgard, la ville des Ases ou des Arians, fut leur capitale. C’était probablement un grand village orné de palais à la façon des anciennes résidences des premiers conquérants de l’Inde et de la Bactriane. Son nom n’était d’ailleurs pas prononcé pour la première fois dans le monde. Entre autres applications qui en furent faites, il exista longtemps, non loin du rivage méridional de la Caspienne, un établissement médique appelé de même Açagarta[2].

  1. Garta est employé dans les Védas dans le double sens de chariot et de maison. On en voit la cause. Sur une inscription achéménide, karta signifie château. Dans ce sens, il fait partie de la composition du nom de plusieurs capitales asiatiques, entre autres Tigranocerta, le château de Tigrane. En latin, en gothique, et dans toutes les langues dérivées de cette double source, hortus, gard, gardun, gurten, giœrd, giardino, jardin, garden, veut dire principalement une enceinte, et c’est là, certainement, le sens intime du mot. (Dieffenbach, Vergleichendes Wœrterbuch der gothischen Sprache, t. II, p. 382.) — Lassen et Westergaard, Die Achem. Keilinschriften, p. 29 et 72. — Weinhold, Die Deutschen Frauen in dem Mittelalter, Wien, 1851, p. 327. — Pott (Etymologische Forschungen, th. I, p. 144) y joint très bien le χόρτος grec et le mot italiote chors. J’y ajouterai le terme militaire de même origine cohors, qui garde dans ses flexions le t primitif.
  2. Ptolémée nomme le peuple de ce pays Σαγάρτοι. Une inscription perse recueillie par Niebuhr, I, tabl. XXXI, le mentionne également. Hérodote compte huit mille Sagartes dans l’armée de Darius (VII, 85). (Lassen et Westergaard, Achem. Keilinschriften, p. 54.)