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l’instabilité. Le chariot ne saurait jamais être une demeure définitive. Les Arians qui s’en sont servis, et qui, pendant un temps plus ou moins long, ou même jamais, n’ont pu se créer d’autres abris, ne possédaient pas et ne voulaient pas de tentes. Pourquoi ? C’est qu’ils voyageaient, non pour changer de place, mais, au contraire, pour trouver une patrie, une résidence fixe, une maison. Poussés par des événements contraires ou particulièrement excitants, ils ne réussissaient à s’emparer d’aucun pays de manière à y pouvoir bâtir d’une manière définitive. Aussitôt que ce problème a pu se résoudre, l’habitation roulante s’est attachée au sol et n’en a plus bougé. Le mode de demeure encore en usage dans la plupart des pays, européens qui ont possédé des établissements arians en offre la preuve : la maison nationale n’y est autre chose qu’un chariot arrêté. Les roues ont été remplacées par une base de pierre sur laquelle s’élève l’édifice de bois. Le toit est massif, avancé, il enveloppe complètement l’habitation, à laquelle on ne parvient que par un escalier extérieur, étroit et tout semblable à une échelle. C’est bien, à très peu de modifications près, l’ancien chariot arian. Le chalet helvétique, la cabane du moujik moscovite, la demeure du paysan norwégien, sont également la maison errante du Saka, du Gète et du Sarmate, dont les événements ont enfin permis de dételer les bœufs et d’enlever les roues[1]. En arriver là, c’était l’instinct permanent, sinon le vœu avoué des guerriers qui ont traîné en tant de lieux et si loin cette demeure vénérable par les héroïques souvenirs qu’elle rappelle. Malgré leurs pérégrinations multipliées, quelquefois séculaires, ces hommes n’ont jamais consenti à accepter l’abri définitivement mobile de la tente  ; ils l’ont abandonné aux peuplades d’espèce ou de formation inférieure.

  1. Weinhold, Die deutschen Frauen in dem Mittelalter, Wien 1851, p. 337. — A. de Haxthausen, dans son excellent ouvrage sur la Russie, fait une remarque qui aboutit au même résultat: « Les ornements, dit-il, et les découpures qui ornent les toits (des maisons des paysans russes aux environs de Moscou), les galeries et l’escalier conduisant à l’intérieur, rappellent les habitations des Alpes, et particuliérement les chalets suisses. » (T. I, p. 19-20.)