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peuples galliques, passait aussi dans celui des nations wendes. Elles se le transmettaient de l’une à l’autre, l’amenaient jusqu’à l’embouchure du Borysthène et des autres fleuves de la contrée. Ce précieux produit répandait ainsi l’aisance chez ses différents facteurs, et faisait pénétrer jusqu’à eux une part des trésors métalliques et des objets fabriqués de l’Asie antérieure. À ce transit s’unissaient d’autres branches de spéculation non moins importantes, celle du blé, par exemple, qui, cultivé sur une très grande échelle dans les régions de la Scythie (1)[1] et jusqu’à des latitudes impossibles à préciser, parvenait, au moyen d’une navigation fluviale organisée et exploitée par les indigènes, jusqu’aux entrepôts étrangers de l’Euxin. On le voit, les Slaves ne méritaient pas plus le reproche de barbarie que les Celtes (2)[2].

Ce ne sont pas non plus des peuples que l’on puisse dire avoir été civilisés, dans la haute signification du mot. Leur intelligence était trop obscurcie par la mesure du mélange où

(1) Ouvr. cité, t. I, p. 271. — Schaffarik fait venir une grande partie de cette production des pays situés derrière les Karpathes. Mais il y avait aussi plus bas, dans la direction du sud-est, une nation à demi wende, celle des Alazons, qui se livrait au même commerce. (Hérod., IV, 17.)

(2) Ils vivaient dans des villages, à la façon des peuples blancs purs, leurs ancêtres. (Schaff., t. I, p. 59.) S’il était besoin d’en donner une preuve, on la trouverait dans le nom d’une tribu slave, les Budini, Βουδίνοι, dont la racine est budy, maison ; par conséquent, les hommes qui habitent des maisons, des demeures permanentes. Ce nom de Budini rappelle une des plus singulières erreurs auxquelles la science ait pu se complaire. Hérodote raconte que les gens ainsi nommés étaient φθειροτραγέοντες ; tous les traducteurs ont compris et dit qu’ils mangeaient de la vermine, ou plus clairement des poux. Cette circonstance, qui parlait peu en faveur des Budini, n’a pas empêché les érudits allemands et les slavistes de se disputer ce peuple, les uns le réclamant pour germain, les autres pour wende. Larcher, Mannert, Buchon, bien d’autres, ont répété que les Budini mangeaient des poux ; enfin Ritter, se rapportant à l’abréviateur de Tzetzés, et guidé par le sens commun, a démontré que, comme beaucoup de populations actuelles de l’extrême nord, ils se nourrissaient de jets de sapin ; mais l’habitude de l’absurde est si bien prise que Passow lui-même, dans son dictionnaire, tout en donnant les deux versions montre une prédilection marquée pour la plus ancienne.

  1. (1) Ouvr. cité, t. I, p. 271. — Schaffarik fait venir une grande partie de cette production des pays situés derrière les Karpathes. Mais il y avait aussi plus bas, dans la direction du sud-est, une nation à demi wende, celle des Alazons, qui se livrait au même commerce. (Hérod., IV, 17.)
  2. (2) Ils vivaient dans des villages, à la façon des peuples blancs purs, leurs ancêtres. (Schaff., t. I, p. 59.) S’il était besoin d’en donner une preuve, on la trouverait dans le nom d’une tribu slave, les Budini, Βουδίνοι, dont la racine est budy, maison ; par conséquent, les hommes qui habitent des maisons, des demeures permanentes. Ce nom de Budini rappelle une des plus singulières erreurs auxquelles la science ait pu se complaire. Hérodote raconte que les gens ainsi nommés étaient φθειροτραγέοντες ; tous les traducteurs ont compris et dit qu’ils mangeaient de la vermine, ou plus clairement des poux. Cette circonstance, qui parlait peu en faveur des Budini, n’a pas empêché les érudits allemands et les slavistes de se disputer ce peuple, les uns le réclamant pour germain, les autres pour wende. Larcher, Mannert, Buchon, bien d’autres, ont répété que les Budini mangeaient des poux ; enfin Ritter, se rapportant à l’abréviateur de Tzetzés, et guidé par le sens commun, a démontré que, comme beaucoup de populations actuelles de l’extrême nord, ils se nourrissaient de jets de sapin ; mais l’habitude de l’absurde est si bien prise que Passow lui-même, dans son dictionnaire, tout en donnant les deux versions montre une prédilection marquée pour la plus ancienne.