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autres peuples, ils n’en jouissaient pas eux-mêmes. La période de trois cents ans qui précéda la conquête de César fut pour eux une époque de douleur. Ils pratiquèrent, ils connurent à fond les phases les plus misérables de la décadence politique. Aristocratie, théocratie, royauté héréditaire ou élective, tyrannie, démocratie, démagogie, ils goûtèrent de tout, et tout fut transitoire (1)[1]. Leurs agitations ne réussissaient pas à produire de bons fruits. La raison en est que la généralité des nations celtiques en était arrivée à ce point de mélange, et partant de confusion, qui ne permet plus de progrès nationaux. Elles avaient dépassé le point culminant de leurs perfectionnements naturels et possibles  ; elles ne pouvaient désormais que descendre. Ce sont là cependant les masses qui servent de bases à notre société moderne, associées dans cet emploi avec d’autres multitudes, non moins considérables, qui sont les Slaves ou Wendes.

Ceux-ci, à l’époque dont il s’agit, étaient encore plus déprimés, dans la plupart de leurs nations, et l’étaient depuis beaucoup plus longtemps. Par la position topographique qu’occupaient et occupent encore leurs principales branches, ils sont évidemment les derniers de tous les grands peuples blancs qui, dans la haute Asie, ont cédé sous les efforts des hordes finniques, et surtout ceux qui ont été le plus constamment en contact direct avec elles (2)[2]. Ceci soit dit en faisant abstraction de quelques-unes de leurs bandes, entraînées dans les tourbillons voyageurs des Celtes, ou même les devançant, tels que les Ibères, les Rasènes, les Venètes des différentes contrées de l’Europe et de l’Asie. Mais, pour ce qui est du gros de leurs tribus, expulsées de la patrie primitive postérieurement au départ des Galls, elles n’ont plus trouvé à s’établir que dans les parties du nord-est de notre continent, et là jamais n’a cessé pour elles le voisinage dégradant de l’espèce jaune (3)[3]. Plus elles en ont absorbé de familles, plus elles ont été

(1) Cæs., de Bell. Gall., VI.

(2) Schaffarik, Slawische Alterth., t. I, p. 57.

(3) Ouvr. cité, t. I, p. 74. — Schaffarik considère comme formant la première extension des Slaves en Europe, la région située entre l’O-

  1. (1) Cæs., de Bell. Gall., VI.
  2. (2) Schaffarik, Slawische Alterth., t. I, p. 57.
  3. (3) Ouvr. cité, t. I, p. 74. — Schaffarik considère comme formant la première extension des Slaves en Europe, la région située entre l’Oder, la Vistule, le Niémen, le Bug, le Dnieper, le Dniester et le Danube. Mais ces limites ont très souvent changé.