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et le droit civil (1)[1]. Je ne sais jusqu’à quel point il serait jamais possible, en se bornant à ces deux spécialités, de donner naissance à des résultats réellement civilisateurs dans le sens large du mot. La loi n’est que la manifestation écrite de l’état des mœurs. C’est un des produits majeurs d’une civilisation, ce n’est pas la civilisation elle-même. Elle n’enrichit pas matériellement ni intellectuellement une société ; elle réglemente l’usage de ses forces, et son mérite est d’en amener une meilleure dispensation ; elle ne les crée pas. Cette définition est incontestable chez les nations homogènes. Toutefois il faut avouer qu’elle ne se présente pas d’une manière aussi claire, aussi immédiatement évidente, dans le cas particulier de la loi romaine. Il se pourrait, à la rigueur, que les éléments de ce code recueillis chez une multitude de nations vieillies, et partant expérimentées, résumassent une sagesse plus générale que ne faisait chacune des législations antérieures en son particulier, et de la constatation théorique de cette possibilité, on est facilement induit à conclure, sans y regarder de plus près, qu’en effet elle s’était réalisée dans la loi romaine. C’est l’opinion généralement reçue aujourd’hui. Cette opinion admet, fort à la légère, que le droit impérial découle d’une conception d’équité abstraite, dégagée de toute influence traditionnelle, hypothèse parfaitement gratuite. La philosophie du droit romain, comme la philosophie de toutes choses, a été faite après coup. Elle a surtout été inspirée par des notions complètement étrangères à l’antiquité, et qui eussent grandement surpris les légistes aux œuvres desquels elle se rattache.

Pour être nombreuses, les sources de cette jurisprudence ne sont pas infinies, et elles sont très positives. Les doctrines analytiques ont dû les influencer ; mais ces doctrines elles-mêmes, n’étant que des émanations de l’esprit italiote ou de l’imagination hellénistique, ne pouvaient rien y introduire de plus général. Quant au christianisme, il a été bien peu deviné par les juristes, car un des caractères remarquables de leur monument, c’est l’indifférence religieuse. Certainement une telle

  1. (1) Tu, regere imperio populos, Romane, memento.