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en sa personne. Pauvre vermisseau ! Il ressemblait au contemporain de Virgile et d’Auguste comme Schylock au roi Salomon.

Le Romain mentait, et ceux qui, dans le monde moderne, par haine de nos origines germaniques et de leurs conséquences gouvernementales au moyen âge, ont amplifié ces hâbleries, n’ont pas été plus véridiques.

Bien loin de détruire la civilisation, l’homme du Nord a sauvé le peu qui en survivait. Il n’a rien négligé pour restaurer ce peu et lui rendre de l’éclat. C’est son intelligente sollicitude qui nous l’a transmis, et qui, lui donnant pour protection son génie particulier et ses inventions personnelles, nous a appris à en tirer notre mode de culture. Sans lui, nous ne serions rien. Mais ses services ne commencent pas là. Bien loin d’attendre l’époque d’Attila pour se précipiter, torrent aveugle et dévastateur, sur une société florissante, il était déjà depuis cinq cents ans l’unique soutien de cette société chaque jour plus caduque et plus avilie. À défaut de sa protection, de son bras, de ses armes, de son talent de gouverner, elle serait tombée, dès le IIe siècle, au point misérable où la réduisit Alaric, le jour qu’il culbuta si justement d’un trône ridicule l’avorton qui s’y prélassait. Sans les barbares du Nord, la Rome sémitique n’aurait pu maintenir la forme impériale qui la fit subsister, parce qu’elle ne serait jamais parvenue à créer cette armée qui seule conserva le pouvoir, lui recruta ses souverains, lui donna ses administrateurs, et, çà et là, sut allumer encore les derniers rayons de gloire qui enorgueillirent sa vieillesse.

Pour tout dire et sans rien outrer, presque tout ce que la Rome impériale connut de bien sortit d’une source germanique. Cette vérité s’étend si loin que les meilleurs laboureurs de l’empire, les plus braves artisans, on pourrait l’affirmer, furent ces lètes barbares colonisés en si grand nombre dans les Gaules et dans toutes les provinces septentrionales (1)[1].



(1) Suivant Grimm, Deutsche Rechtsalterth., p. 305 et pass., les lètes formaient une classe intermédiaire entre les hommes libres et les

  1. (1) Suivant Grimm, Deutsche Rechtsalterth., p. 305 et pass., les lètes formaient une classe intermédiaire entre les hommes libres et les esclaves. Schaffarik (t. I, p. 261, note 1) les considère comme descendus originairement des Lettes, Lettons ou Lithuaniens. Le mot allemand, Leute, auquel M. Aug. Thierry rapporte cette étymologie, n'en serait que le dérivé. On disait læti Franci, læti Batavi, læti Suevi, etc., probablement pour indiquer l'origine de ces différents lètes. (Guérard, Polyptique d'Irminon, t. I, p. 251. — Revue des Deux-Mondes, 1er mars 1852, p. 934 et 948.)