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moral, un Romain du IIIe, du IVe, du Ve siècle ? Un homme de moyenne taille, faible de constitution et d’apparence, généralement basané, ayant dans les veines un peu du sang de toutes les races imaginables ; se croyant le premier homme de l’univers, et, pour le prouver, insolent, rampant, ignorant, voleur, dépravé, prêt à vendre sa sœur, sa fille, sa femme, son pays et son maître, et doué d’une peur sans égale de la pauvreté, de la souffrance, de la fatigue et de la mort. Du reste, ne doutant pas que le globe et son cortège de planètes n’eussent été faits pour lui seul.

En face de cet être méprisable, qu’était-ce que le barbare ? Un homme a blonde chevelure, au teint blanc et rosé, large d’épaules, grand de stature, vigoureux comme Alcide, téméraire comme Thésée, adroit, souple, ne craignant rien au monde, et la mort moins que le reste. Ce Léviathan possédait sur toutes choses des idées justes ou fausses, mais raisonnées, intelligentes et qui demandaient à s’étendre. Il s’était, dans sa nationalité, nourri l’esprit des sucs d’une religion sévère et raffinée, d’une politique sagace, d’une histoire glorieuse. Habile à réfléchir, il comprenait que la civilisation romaine était plus riche que la sienne, et il en cherchait le pourquoi. Ce n’était nullement cet enfant tapageur que l’on s’imagine d’ordinaire, mais un adolescent bien éveillé sur ses intérêts positifs, qui savait comment s’y prendre pour sentir, voir, comparer, juger, préférer. Quand le Romain vaniteux et misérable opposait sa fourberie à l’astuce rivale du barbare, qui décidait la victoire ? Le poing du second. Tombant comme une masse de fer sur le crâne du pauvre neveu de Rémus, ce poing musculeux lui apprenait de quel côté était passée la force. Et comment alors se vengeait le Romain écrasé ? Il pleurait, et criait d’avance aux siècles futurs de venger la civilisation opprimée



Louvre, n° 692. (Clarac, Manuel de l’Histoire de l’Art, 1re partie, p. 238.) — Pétrone parle plusieurs fois de la profonde décadence des arts et surtout de la peinture, causée par l’amour exclusif que ses contemporains avaient pour le lucre : « Nolito ergo mirari, si pictura deficit, quum omnibus diis hominibusque formosior videatur massa auri, quam quidquid Apelles, Phidiasve, Græculi delirantes, fecerunt. » (Satyr., LXXXIX.)