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de ces grammairiens menaient la vie d’Encolpe et d’Ascylte, héros débraillés du roman de Pétrone. On les rencontrait dans les bains publics, pérorant sous les colonnades (1)[1], chez les personnes qui donnaient à souper, et plus régulièrement dans les maisons de débauche, dont ils étaient les hôtes habituels et souvent les introducteurs. Ils menaient cette vie capricieuse et déhontée que l’euphémisme moderne appelle la vie d’artiste ou de bohème (2)[2]. Ils s’introduisaient dans les familles opulentes à titre de précepteurs, et n’y donnaient pas toujours à leurs élèves les meilleures leçons de morale (3)[3].

Plus tard, ceux qui ne s’arrêtaient pas aux débuts de cette existence de fantaisie, soit plus heureux, soit plus habiles, devenaient professeurs publics, rhéteurs patentés dans quelque municipe (4)[4]. Alors ils se gourmaient en fonctionnaires, et ajoutaient un commentaire de leur façon aux milliers de gloses déjà publiées sur les auteurs. De cette catégorie sortaient les simples pédants ; ceux-là se mariaient et tenaient leur place au sein de la bourgeoisie. Mais le plus grand nombre ne se faisait pas jour dans ces fonctions laborieuses et enviées, bien que modestes ; il fallait donc continuer à vivre en dehors des classifications sociales. Avocats, rien ne distinguait les débutants



viri ac feminæ notabantur, abolevit non sine auctorum ignominia. »

(1) Bormanni, T. Petron., Satyr., VI : « Ingens scholasticorum turba in porticum venit. »

(2) Ibid., X : « Quid ego, homo stultissime, facere debui, quum fame morerer ?... multo me turpior es tu, hercule, qui, ut foris cœnares, poetam laudasti. Itaque ex turpissima lire in risum diffusi, pacatius ad reliqua secessimus. »

(3) Ibid., LXXXV.

(4) Ce furent les méthodes d’enseignement adoptées par ces éducateurs d’enfants dont un personnage de Pétrone, rhéteur lui-même, parle en ces termes : « Et ideo ego adolescentulos existimo in scholiis stultissimos fieri, quia nihil ex iis quæ in usu habemus aut audiunt aut vident. Sed piratas cum catenis in littore stantes et tyrannos edicta scribentes quibus imperent filiis, ut patrum eorum capita præcidant ; sed responsa in pestilentia data ut virgines tres aut plures immolentur ; sed mellitos verborum globulos et omnia dicta, factaque quasi papavere et sesamo sparsa. » (T. Petronii A., Satyricon, I.)


  1. (1) Bormanni, T. Petron., Satyr., VI : « Ingens scholasticorum turba in porticum venit. »
  2. (2) Ibid., X : « Quid ego, homo stultissime, facere debui, quum fame morerer ?... multo me turpior es tu, hercule, qui, ut foris cœnares, poetam laudasti. Itaque ex turpissima lire in risum diffusi, pacatius ad reliqua secessimus. »
  3. (3) Ibid., LXXXV.
  4. (4) Ce furent les méthodes d’enseignement adoptées par ces éducateurs d’enfants dont un personnage de Pétrone, rhéteur lui-même, parle en ces termes : « Et ideo ego adolescentulos existimo in scholiis stultissimos fieri, quia nihil ex iis quæ in usu habemus aut audiunt aut vident. Sed piratas cum catenis in littore stantes et tyrannos edicta scribentes quibus imperent filiis, ut patrum eorum capita præcidant ; sed responsa in pestilentia data ut virgines tres aut plures immolentur ; sed mellitos verborum globulos et omnia dicta, factaque quasi papavere et sesamo sparsa. » (T. Petronii A., Satyricon, I.)