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principale fonction, pour préoccupation première, de jeter de l’argent dans les caisses impériales, ce qui ôtait beaucoup au mérite de leur quasi-indépendance sur le reste, ou plutôt la réduisait à néant.

Le décurion, le sénateur, les vénérables membres de la curie, comme ils s’intitulaient, car ces gens-là, descendus de quelques méchants affranchis, de marchands d’esclaves, de vétérans colonisés, tranchaient du patricien et du vieux Quirite, n’étaient pas toujours en mesure de remettre à l’agent du fisc la quote-part que celui-ci avait ordre d’exiger. Voter n’était rien, il fallait percevoir, et quand la commune était épuisée, à bout de voies, ruinée, les citoyens romains qui la composaient pouvaient sans doute être bâtonnés jusqu’à extinction de force par les appariteurs et gardes de police de la localité ; mais en espérer des sesterces, c’était illusoire. Alors l’officier impérial, victime lui-même de ses supérieurs, n’hésitait pas longtemps. Il faisait, à son tour, appel à ses propres licteurs, et demandait sans façon aux vénérables, aux illustres sénateurs de parfaire sur leurs propres fonds la somme à lui nécessaire pour établir ses comptes. Les illustres sénateurs refusaient, trouvant l’exigence mal placée, et alors, mettant de côté tout respect, on leur infligeait le même traitement, les mêmes ignominies dont ils se montraient si prodigues envers leurs libres administrés (1)[1].

Il arriva de ce régime que bientôt les curiales, désabusés sur les mérites d’une toge qui ne les garantissait pas des meurtrissures, fatigués de siéger dans un capitole qui ne préservait pas leurs demeures des visites domiciliaires et de la spoliation, épouvantés des menaces de l’émeute qui, sans se préoccuper de rechercher les légitimes objets de sa colère, se ruait sur eux, tristes instruments, ces misérables curiales s’accordèrent à penser que leurs honneurs étaient trop lourds et qu’il valait



(1) Savigny, Geschichte des rœmischen Rechtes im Mittelalter, t. I, p. 25. — Certains dignitaires des curies municipales jouissaient d’heureux privilèges au point de vue des peines corporelles, auxquelles ils n’étaient pas astreints comme leurs collègues ; mais, en revanche, on était en droit de leur imposer de plus fortes amendes. (Ibid., p. 71.)

  1. (1) Savigny, Geschichte des rœmischen Rechtes im Mittelalter, t. I, p. 25. — Certains dignitaires des curies municipales jouissaient d’heureux privilèges au point de vue des peines corporelles, auxquelles ils n’étaient pas astreints comme leurs collègues ; mais, en revanche, on était en droit de leur imposer de plus fortes amendes. (Ibid., p. 71.)