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veux que, dans les petites affaires, leur action demeurât assez libre. Il ne faut pas l’oublier, aussitôt qu’il s’agissait des demandes du fisc, plus de délibération, pas de raisonnements, bourse déliée ! Or ces demandes étaient fréquentes et peu discrètes (1)[1]. Pour quelques empereurs qui, dans un long principat, trouvèrent le loisir de régler leur appétit, combien n’en vit-on pas davantage qui, pressés de s’asseoir à la table du monde, n’eurent que le temps d’y dévorer ce que leurs mains purent saisir ? Et encore, parmi les princes favorisés d’un beau règne, combien y en eut-il que des guerres presque incessantes ne forcèrent pas de dévorer la substance de leurs peuples ? Et enfin, parmi les pacifiques, combien encore en peut-on citer dont les plus belles années ne se soient passées à diriger les meilleures ressources de l’empire contre les flots d’usurpateurs sans cesse renaissants, qui, de leur côté, emportaient aux villes tout ce qui était à prendre ? Le fisc ne fut donc presque jamais, excepté sous les Antonins, en disposition de ménager ses exigences ; et ainsi les magistrats municipaux avaient pour



homme de cabinet et d’origine provençale, est un admirateur enthousiaste des idées et des procédés romains. M. Leber, érudit d’un immense savoir, mais en même temps administrateur pratique, et né dans une province moins complètement romanisée que M. Raynouard, est infiniment plus prudent dans ses éloges, et souvent cette prudence va jusqu’au blâme. Ce sont deux ouvrages curieux, bien que le second soit supérieur au premier. J’en ai beaucoup usé dans ces pages ; mais comme, malheureusement, je ne les ai pas sous les yeux, je suis réduit à citer de souvenir. — Savigny, Geschichte des rœmischen Rechtes im Mittelalter, in-8o, Heidelberg, 1815, t. I, p. 18 et pass.

(1) Je n’oserais ici me montrer aussi sévère, quoique je puisse le sembler beaucoup, qu’un écrivain dont le secours m’était assez inattendu dans une lutte contre des opinions dont M. Amédée Thierry est le principal propagateur. Je vais me couvrir de son autorité bien puissante en cette rencontre. Voici ce qu’il dit : « Sous le prétexte humain de gratifier le monde d’un titre flatteur, un Antonin appela dans ses édits du nom de citoyens romains les tributaires de l’empire romain, ces hommes qu’un consul pouvait légalement torturer, battre de coups, écraser de corvées et d’impôts. Ainsi fut démentie la puissance de ce titre autrefois inviolable, et devant lequel s’arrêtait la tyrannie la plus éhontée ; ainsi périt ce vieux cri de sauvegarde qui faisait reculer les bourreaux : Je suis citoyen romain. » (Augustin Thierry, Dix ans d’études historiques, in-12, Paris, 1846, p. 188.)


  1. (1) Je n’oserais ici me montrer aussi sévère, quoique je puisse le sembler beaucoup, qu’un écrivain dont le secours m’était assez inattendu dans une lutte contre des opinions dont M. Amédée Thierry est le principal propagateur. Je vais me couvrir de son autorité bien puissante en cette rencontre. Voici ce qu’il dit : « Sous le prétexte humain de gratifier le monde d’un titre flatteur, un Antonin appela dans ses édits du nom de citoyens romains les tributaires de l’empire romain, ces hommes qu’un consul pouvait légalement torturer, battre de coups, écraser de corvées et d’impôts. Ainsi fut démentie la puissance de ce titre autrefois inviolable, et devant lequel s’arrêtait la tyrannie la plus éhontée ; ainsi périt ce vieux cri de sauvegarde qui faisait reculer les bourreaux : Je suis citoyen romain. » (Augustin Thierry, Dix ans d’études historiques, in-12, Paris, 1846, p. 188.)